lundi, mars 04, 2013

Born in Trappes

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Joie de recevoir un livre en échange d’une critique. Il n’empêche qu’avec cette lecture, me voilà muté en banlieues dans ces quartiers pudiquement dits difficiles.
En recevant « Made in Trappes » par Alain Degois, j’avoue que mes sentiments étaient partagés.
L’agacement tout d’abord, car il s’agit d’un livre de plus sur les banieues surmédiatisées. Un coup de projecteur brûlant de plus sur des saltimbanques ravis de se donner en spectacle.
Au final, la nostalgie l’a emporté. Trappes, j’y suis né. J’ai eu la chance de passer un quart de siècle à l’ombre de ses hlm, protégé des hordes barbares par les remparts de la commanderie des chevaliers du temple. J’ai ainsi passé ma jeunesse dans la cité plus cossue du comte de Maurepas.

J’imagine que d’ici quelques décennies, les historiens retiendront que les cités et la violence urbaine ont écrit l’histoire de France du vingt-et-unième siècle. J’éprouve un petit pincement au cœur d’avoir assisté en voisin aux premières heures du drame.

Trappes est donc tristement célèbre, pour ses trafics, pour sa violence, pour son prosélytisme religieux. On ne remerciera jamais autant les médias d’amplifier et de nourrir le phénomène. La bonne ville de Trappes est connue aussi pour ses célébrités. Anelka, Omar Sy, Shy’m, la liste des personnalités est longue comme le bras. Preuve s’il en est que les cités sont capables de produire autre chose que de la racaille.

Alain Degois, dit papy est ainsi connu pour avoir révélé au public le talent de Djamel Debbouze. Beaucoup d’autres ont eu la chance de passer de l’ombre à la lumière grâce à ses ateliers de théâtre. Véritable self- « made in Trappes »-man, Papy aura consacré sa vie à la ville. Alain Degois possède une bonne raison, et surtout une sacrée crédibilité pour écrire un livre et essayer de faire taire les clichés.

Dès l’introduction, le paysage est posé, sincère et authentique. Pas de tromperie sur la marchandise, l’auteur connait son affaire. Le reste narration est rythmée par une dizaine de chapitres, autant d’idées reçues sur la banlieue.

  • Cliché numéro 1 : Les blancs qui vivent dans les cités votent Front national.
  • Cliché numéro 2 : Pour résoudre le problème de la délinquance en banlieue, il faut construire plus de prisons
  • Cliché numéro 3 : le boulot des policiers, ce n’est pas de jouer au basket avec les jeunes
  • Cliché numéro 4 : L’Etat a mis beaucoup d’argent en banlieue et pourtant rien n’a changé. A quoi bon ?
  • Cliché numéro 5 : En banlieue, on tague et on rappe
  • Cliché numéro 6 : Les musulmans veulent islamiser notre pays (en passant par les banlieues)
  • Cliché numéro 7 : Il faut être un beur de banlieue pour percer aujourd’hui au cinéma ou à la télévision
  • Cliché numéro 8 : Le rêve de tous les habitants de la banlieue, n’est-ce pas de la quitter ? 


On pourrait croire tenir entre ses mains un essai de sociologie optimiste et bien pensante. Et bien non, Papy n’est pas un universitaire qui étudie les mœurs des créatures étranges bien à l’abri derrière les grillages du zoo urbain. Il vit dans la ville, c’est un Trappiste pur sang.
Il ne possède certainement pas le recul ou le génie pour suggérer des solutions miracles. Ce livre se veut surtout un témoignage sur l’histoire et le destin d’une ville et de ses habitants.
De la ville campagnarde qui s’embourgeoisait à cultiver et à nourrir Paris, Trappes s’est transformée en ville ouvrière. Elle n’aura loupé un virage dans son destin de ville nouvelle. Après le rêve du pays de la tolérance et du melting-pot, le réveil est difficile pour les habitants de ce ghetto des communes environnantes.
Papy aura vécu cette mutation radicale, une illumination puissante pour son livre. Malheureusement pour moi, l’essai n’est pas transformé.
Là où l’on attend des idées nouvelles, on trouve surtout une autobiographie mâtinée d’orgueil. L’auteur se complait à contempler son passé plutôt qu’à regarder l’avenir.

Pour le coup, Papy enfonce quelques portes ouvertes et brode sur d’autres clichés. A dénoncer sans cesse l’administration Kafkaïenne et la machine politique, il donne le bâton pour se faire battre à ses détracteurs.
Si je devais résumer ce que j’ai compris du livre, les meilleures chances de la banlieue résident dans le courage et l’acharnement d’individus isolés.
Si je n’ai retenu qu’une leçon de mes cours d’histoire, c’est que dans ce nouveau millénaire désenchanté, le temps des héros est révolu...

Alain Degois a eu une vie passionnante, et vécu des temps intéressants mais difficiles. Il dresse un portrait fidèle de la banlieue. En plus l’ouvrage se lit facilement. En bref. Pour celles et ceux qui ne connaissent de la banlieue que l’image relayée par les mass media, ce livre est à lire avant de se faire recruter par la marine...

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