mardi, août 25, 2009

Perdu dans le ciel, à regretter les anges et les démons

Les antipodes ont ce défaut d'être situées précisément à l'autre bout du monde. Et sur notre si petite planète bleue, l'autre bout du monde c'est déjà loin, très loin. Délaissant mes préoccupations écologiques pour me rendre en Polynésie, j'ai donc pris l'avion, cette espèce de boite de conserve propulsée par des tonnes kérosène afin de tenir miraculeusement dans les airs. Et malgré la vitesse de ce genre d'appareil, il faut quand même compter vingt heures pour arriver à destination. C'est long, très long.

Le rapport de temps est passablement différent mais c'est une perte de temps assez comparable aux transports en commun quotidien pour aller travailler. Donc pendant vingt heures, on s'occupe comme on peut. Et notamment j'ai lu. Coincé au milieu du ciel, ça me semblait de circonstances d'entamer Anges et Démons de Dan Brown.

J'avais déjà lu son succès interplanétaire du Da Vinci Code. Le roman était servi par une écriture simple mais efficace. En dépit des accusations de plagiat, l'intrigue était ambitieuse et l'idée de base géniale. Malheureusement, comme souvent avec les idées trop ambitieuses, le final n'était pas à la hauteur. Et pourtant ce livre m'avait plu, surtout par son aspect ludique à proposer au lecteur des énigmes à résoudre en même temps qu'une ballade néophyte dans l'histoire de l'art.

Me voilà donc à nouveau plongé dans les palpitantes aventures de Robert Langdon dans un nouveau thriller, au milieu des complots millénaires et des symboles cachés de l'histoire de l'art. Bien mal m'en a pris. Si l'on peut difficilement qualifier le Da Vinci code de chef d'œuvre, il est encore plus délicat d'attribuer à son prédécesseur la qualité de brouillon. Et pourtant, dans ce livre on sent les prémices du futur best-seller, le talent en moins.

L'intrigue est une copie conforme. Outre le même narrateur, on retrouve l'assassiné de la première scène qui déclenche l'action. Comme d'habitude c'est la jolie jeune fille adoptive du malheureux qui se retrouve aux côtés du héro durant l'action. Sans aucune pudeur j'oserais révéler que le roman se terminera par une scène d'amour entre les deux tourtereaux. Au cœur du roman, un jeu de l'oie sur l'histoire de l'art pour rebondir d'indice en indice dans les chefs d'œuvres du patrimoine Italien. Il y a toujours un tueur mystérieux et solitaire, froid, efficace et implacable, appartenant à une confrérie secrète centenaire. La construction même de l'alternance des chapitres avec les points de vue croisés du meurtrier et de Robert Langdon est la même que pour le code Da Vinci. On troque la lutte millénaire entre l'église catholique et le prieuré de Sion, contre la même église catholique attaquée par les Illuminati. Ce n'est plus l'opus Dei qui emploie le tueur mais la secte des hashishiyyin. Bonnet blanc, blanc bonnet, tout ça.

Sauf que cette fois ça ne marche pas. Déjà, l'aspect ludique des indices dissimulés dans les œuvres perd de sa nouveauté et semble le plus souvent tirée par les cheveux. Les contre-vérités historiques, les approximations et les hypothèses invraisemblables s'enchaînent. La problématique posée est moins ambitieuse, à savoir un vieux groupe qui décide de se venger de l'église catholique comme prétexte à une resacralisation du monde. Enfin et surtout le narrateur est proprement insupportable. Tout d'abord dépeint comme un simple professeur d'université, du genre veste en tweed et long dimanches dans les bibliothèques, il deviendra au fil des pages un athlète accompli capable de rivaliser avec un tueur surentrainé ou bien de sauter d'un hélicoptère sans parachute. Le tout en moins de deux jours.

En bref et même si le livre se lit facilement et au final permet de passer le temps, je ne le recommanderais vraiment pas.

vendredi, août 21, 2009

Un oiseau bleu qui a mal aux yeux


J'avais déjà évoqué mon expérience de l'an passé avec la lecture touristique. Et bien j'ai remis ça.
Il se trouve qu'au tout début de l'été j'ai eu l'occasion d'aller vérifier si la terre était ronde et si les hommes qui se trouvaient à l'autre bout du monde ne marchaient pas à l'envers. Au risque de m'attirer l'ire des jaloux, j'ai effectivement visité les plages blanches encombrées de paisibles cocotiers et me baigner dans les nuances de bleu impressionnistes de la Polynésie Française.
J'avoue qu'à ce moment là, d'autres préoccupations titillaient mon imaginaire que des aventures fantasmées dans le papier. Il y a tellement de choses à faire sur place que la farniente bouquinante ne m'a jamais attrapé.

Du coup, juste un petit livre pour trois semaines de voyages. Un recueil de nouvelles pour ne pas se faire prendre au piège d'une intrigue sur trois cents pages. Des histoires simples pour ne pas ajouter à l'insolation la migraine du lecteur forcené. Et comme il s'agissait de lectures touristiques, je vais vous commenter Le bleu qui fait mal aux yeux de Alex du Prel.

Je ne sais pas si c'est la volonté de l'éditeur ou bien le narcissisme de l'auteur mais on commence par une impressionnante biographie de l'auteur. On y découvre ainsi un aventurier qui a pas mal bourlingué dans sa carrière avant de se mettre à l'écriture pour raconter sa vision de la Polynésie. C'est un fait, le quidam est amoureux de la région, il se veut poète mais ce n'est absolument pas un écrivain. Déjà, sa plume se perd dans les superlatifs pour décrire le paradis sur terre, ça en devient lassant. Mais c'est surtout le fond du discours qui pique aux yeux, gentillet pour ne pas dire complètement niais.

Pour résumer l'intégralité du livre, on se contentera d'un nostalgique "c'était mieux avant". Il semblerait que les polynésiens vivaient une utopie dans les temps anciens, vu l'environnement on peut le comprendre. Et puis les occidentaux sont arrivés et ils ont tout gâché. Ces salopards n'ont absolument pas cherché à comprendre et à respecter le peuple des iles mais ont cherché à imposer leur mode de vie et leurs manières. Société de consommation uniformisée, l'homme blanc qui ne comprends pas et qui détruit ce qu'il touche, bref des lieux communs.
Nos anciennes habitudes colonialistes donnent certes un écho réaliste à ce refrain. Mais dans le thème des méfaits du colonialisme, je préfère de loin la vision d'un Mike Resnick avec son infernale comédie qui donnent une réelle dimension dramatique et entrainent une réflexion vertigineuse. Ici, la profondeur de l'analyse n'est pas au rendez-vous, le discours ne va pas plus loin qu'une glorification passéiste. Alors le même couplet sur une douzaine de nouvelles c'est trop.
C'est dommage car il y a une certaine tendresse dans l'écriture et quelques pages suffisent à nous restituer cette chaleur humaine incomparable qu'on trouve dans les iles du bout du monde.

Malheureusement, une ambiance chaleureuse ne suffit pas ça faire un bon livre. En l'occurrence, ça n'en fait pas un mauvais non plus. Juste un petit truc à lire avant d'aller piquer une tête dans les plus beaux lagons du monde.

mardi, août 18, 2009

L'oiseau faussaire

Une revue de lecture, c'est finalement un prétexte. Un prétexte pour parler de soi, mais aussi un prétexte pour parler tout court. Face à la mélancolique fixité d'un écran d'ordinateur, parler n'est rien, il faut écrire. Écrire pour soi bien sûr, mais surtout écrire pour une multitude virtuelle.

Voilà ma motivation profonde au travers de ce blog. Lorsque l'inspiration me fait défaut, que l'imaginaire s'enfuit, je trouve un cadre pour écrire. Commenter mes lectures récentes est généralement facile et j'aime à croire que cela contribue à affuter ma plume.

Mais voilà, de temps à autres mes lectures ne m'inspirent rien. Voilà peut être l'émergence d'un nouveau concept, l'indifférence littéraire. En parler devient alors singulièrement difficile et rédiger quelques lignes sur ce blog tiennent plus du remplissage que de l'écriture.
A chacun son fardeau, j'assumerais donc ce rôle que je me suis choisi en vous parlant des Falsificateurs de Antonio Bello.

Le roman est assez bien écrit, la prose est fluide et efficace, l'idée de base est tout simplement géniale. Mais encore une fois le traitement emmène l'ouvrage dans mon panthéon des belles idées gâchées.
Le postulat de base est qu'il est possible de modifier la réalité en manipulant l'information. Une organisation secrète, le consortium de falsification du réel, cherche ainsi à transformer ou à inventer de toutes pièces des évènements historiques afin d'orienter la marche du monde. Inventer une nouvelle espèce en voie de disparition ou bien répandre la rumeur de la première chienne dans l'espace nommée Laïka représente un sacré travail. La puissante CFR profite de l'actualité pour la manipuler, manœuvre les médias, créée de fausses preuves. Après tout, si l'on falsifie les rapports et les archives, que l'on manipule les images et les textes liés à un évènement comment la multitude n'ayant pas observé directement l'évènement pourrait elle faire la différence entre la réalité et la fiction. C'est un travail colossal car souvent l'information se répand rapidement et les sources sont multiples et insoupçonnées.

L'histoire débute donc avec le recrutement du jeune Sliv Darthunger, fraichement émoulu de l'université de géographie de Reykjavík. Rapidement, il deviendra un scénariste hors pair et gravira les échelons de l'organisation. C'est son imagination qui lui souffle les évènements à manipuler ou à créer. Seulement manipuler la réalité c'est quelque chose, savoir dans quel but c'en est une autre. C'est là le nœud de l'intrigue ne pas savoir qui il sert et pourquoi le perturbe, même si les aspects ludiques de son travail lui permettent de passer outre.
Si les aspects géopolitiques et les jeux de pouvoirs sont très bien décrits et passionnants dans le livre, au final on n'arrive pas à y croire. Je ne suis pas rentré dedans, car déjà le narrateur m'agace avec son arrière goût de premier de la classe et son goût immodéré de la compétition. Ensuite, il y a une certaine légèreté dans la façon dont le CFR confie à de jeunes recrues la possibilité de véritablement changer le monde. Enfin, une fois la dernière page tournée, le lecteur n'en saura pas plus sur le pourquoi de toute l'organisation. Et le comment se révèle souvent boiteux, j'ai la naïveté de croire que manipuler les évènements de première importance doit être sérieusement plus compliqué. Sans compter l'arrière goût malsain que propose l'histoire car après tout, sans sombrer dans la peur du complot et la paranoïa, des gros groupes pourraient parfaitement jouer à ce jeu, avec des objectifs moins innocents que la façade présentée par le CFR.

Au final, je sais qu'il y a une suite et une fin à ce livre mais je ne suis toujours pas décidé à investir dans le deuxième tome. Ce livre va se certainement prendre la poussière dans la bibliothèque anarchique de mon esprit au côté du Tueur de temps de Caleb Carr qui exploite le même concept génial de manipulation de la réalité sans réussir non plus à transformer l'essai.

lundi, août 10, 2009

Little Green Bird

Encore et toujours mes devoirs de vacances. Aujourd’hui je vous propose un tableau de vert et de rouge, une récréation au milieu de toutes mes lectures trop sérieuses ou trop dramatiques. Il s’agit de l’histoire d’un petit homme vert, ou L.G.M, little green man pour ceux qui n’auraient pas le réflexe yuppie de migrer toute expression dans un anglicisme post-moderne pour le dessécher sous la forme d’un acronyme abscons.
Donc cette symphonie composée par Wagner. Nan, pas le compositeur allemand, Roland Charles Wagner notre romancier français, prolifique et souvent déjanté. Je disais donc, dans cette symphonie, la vie existe sur mars et elle a le bon goût d’envoyer sur terre l’un de ses ambassadeur. Un petit homme vert, forcément.
Tout de suite vous pensez à Frederic Brown et son délirant Martiens go home, et vous avez raison. Le livre s’ouvre d’ailleurs sur une citation extraire du quidam et l’ensemble fait beaucoup penser à un hommage à l’œuvre du maître.

Donc une quarantaine d’année avant l’action, les américains et les russes occupés à comparer leur virilité envoyaient des trucs dans l’espace. Ca vidait les caisses du contribuable, mais ça valait déjà mieux que de s’envoyer des bombes à neutrons à la figure. Tout est que les américains avaient envoyé une sonde sur mars. La première image en provenance de la sonde était un petit homme vert, en train de tirer la langue. Dès lors une course s’était engagée pour amener sur mars un équipage. Course remportée par les russes, les premiers à poser le pied sur la planète rouge et en ramener un ambassadeur, vert.
Le roman débute au moment ou le narrateur est chargé de retrouver la trace du martien, kidnappé par une bande de hippies. Il retrouve bien vite l’ambassadeur qui avait tout simplement fugué échapper aux délégations diplomatiques ennuyeuses et goûter au sexe, aux drogues et au rock ‘n roll.
Sitôt retrouvé, le petit homme vert se fera kidnapper pour de vrai par les agents rouges du KGB. Bien sûr notre narrateur, agent secret des services français sera dépêché à sa recherche. Une course poursuite excentrique et haletante nous tiendra alors en haleine jusqu’à la dernière page. Nous visitons une uchronie farfelue ou la guerre froide ne s’est pas arrêtée. Les américains sont sur le déclin et leur pays rongé par les ambitions démesurées du petit buisson se morcelle en états sécessionnistes comme la Californie, dirigée par le leader charismatique des Dead Kennedys. De leur côté, les russes s’ouvrent à une vraie démocratie et remportent petit à petit la victoire pour la suprématie mondiale. Je n’en dévoile pas plus mais l’histoire rebondie souvent dans des directions inattendues et rocambolesques.

Les intermèdes sous la forme de dépêches et d’extraits des journaux internationaux nous familiarisent avec cette tranche alternative de l’histoire. Les citations et références truffent le texte pour détourner les icônes de la culture populaire moderne. Le résultat est croustillant et savoureux, on se surprend à délaisser l’intrigue pour dénicher les références, trouver des indices et se bidonner devant un Daniel Balavoine chantant je ne suis pas un martien.

Au final le roman est assez plaisant à lire et divertissant. Certainement pas l’œuvre du siècle mais un sacré bon moment. Malheureusement, ce genre de livre risque vieillir très vite, trop référencé et trop engagé contre les impérialismes divers.

dimanche, août 09, 2009

Un oiseau maudit

Il fait beau aujourd’hui et pourtant je paresse à la maison. Retenu par la conscience aigue de ces milles choses à faire. Milles petites corvées de la vie quotidienne comme autant de boulets pour entraver ma résolution d’en accomplir une seule.
Mettre à jour ce petit blog et rattraper un retard chronique dans mes revues de lectures en fait partie. Alors me voici coincé devant l’ordinateur alors que le soleil brille. Tant pis pour vous. Je vais parler de la mort et de la manie de la grande faucheuse de couper le fil de nos pauvres existences. La plupart du temps, la fin de nos vies anonymes n’affectent pas la marche du monde et les échos s’arrêtent bien vite. Il en va autrement lorsque la gloire et la célébrité ont illuminé le pauvre défunt. C’est alors que les médias s’emparent de la tragédie pour faire remonter à la surface les bulles de la mémoire et que des milliers de philistins découvrent les faits des grands hommes.
C’est ainsi que j’ai appris la mort de Maurice Druon, pour moi l’un de ses poussiéreux écrivains d’avant guerre. Le nouvelle ne m’a pas trop touché jusqu’à ce je fasse le rapprochement avec son œuvre majeure sur les rois maudits. Dans mon esprit c’était surtout une série télévisée populaire dont je m’étais promis de visionner le remake récent. La saga des rois maudits est également l’une des sources d’inspiration des chroniques du trône de fer dont je suis friand.
Le coup de projecteur de la mort aura fini par me décider à acheter les premiers livres de la saga, à savoir le roi de fer, la reine étranglée et les poisons de la couronne.

L’ouverture du premier livre donne le ton avec la fin du procès des templiers et l’annonce du jugement de Jacques de Molay. L’un des hommes les plus puissants de son temps réduit aux haillons d’un prisonnier commun après sept ans d’un procès inique et calculé. Sur le bûcher le grand maître aurait prononcé une malédiction restée célèbre :
Pape Clément ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races !
Cette déclaration est probablement fausse. Mais elle donne le thème de la saga des rois maudits. Page après page, nous seront captivés par le destin funeste des derniers capétiens. Entre adultère et empoisonnement, cabales et complots la famille royale va s’éteindre rapidement. C’est dramatique, mais c’est un vrai régal à lire.
Malheureusement, la qualité de l’écriture est inégale entre les chapitres, du soporifique au burlesque on se demande si c’est le même auteur qui a écrit l’ensemble. La rumeur voudrait que non et que Maurice Druon ait réuni des collaborateurs pour sa saga. Malgré tout l’ensemble reste très bon et l’on oublie vite les chapitres un peu légers.

Moi qui affectionne les sombres machinations politiques et les trahisons en tout genre, je n’ai pas été déçu. Quel frisson de penser que la richesse de l’intrigue et les sommets du drame sont inspirés par notre passé. La vocation pédagogique d’un tel ouvrage n’est pas non plus laissée de côté. Comprendre les bouleversements politique et sociaux de l’époque donne une lumière passionnante sur nos institutions actuelles. Dans ce livre on découvre véritablement comment notre pays s’est créé. D’autant plus qu’une riche collection de notes historiques et biographique nous immergent dans l’époque, sans rendre la lecture pesante.

Je me suis arrêté au bout du troisième tome parce que l’on m’avait prévenu que la suite était moins intéressante et j’avais d’autres priorités sur ma pile de lecture.
Mais j’y retournerais un jour, c’est forcé.

samedi, août 08, 2009

Les oiseaux ont chanté

Où est passé le joli mois de mai avec ses bourgeons et ses oiseaux qui chantent? Il est venu, puis s’en est allé. Les mois ont défilé et sur les arbres les bourgeons fleurissent mais pas les billets sur cette branche perdue dans la toundra numérique.
Tout ça pour dire que je suis sacrément en retard de mes revues de lectures.
Les raisons et les excuses ne manquent pas. Sur mon petit carnet, j’ai même un mot d’excuse signé par l’adjointe au maire du petit patelin où j’habite. Tout ça pour un simple petit "oui". Moi qui d’habitude prends plaisir à jongler avec les mots, me voilà perdu face à trois petites lettres, communes et banales. Malgré mes préoccupations nuptiales, je n’ai pas lâché mes romans et nouvelles.
L’amour, le sexe et autres préoccupations sentimentales me fournissent une magnifique introduction. C’est encore l’été et malgré le retard, je peux toujours commencer mes carnets de vacances pour vous faire la revue d’un Roman avec cocaïne de M. Aguéev.

Comme c’est l’un des points qui poussent la plupart des lecteurs curieux à lire ce livre, je suis bien obligé de dire quelques mots sur l’auteur. M. Aguéev (Maurice ? Marcel ? Un prénom russe imprononçable ?) est un mystère. Il n’est connu que pour quelques manuscrits, dont le roman avec cocaïne, envoyés à un éditeur parisien. Roman presque anonyme, l’auteur n’a laissé aucune adresse et n’a jamais été formellement identifié. Il faut dire que dans les années 30 évoquer crûment les réalités sombres de la drogue et du sexe fait scandale. Quantité de légendes circulent au propos de M. Aguéev, et de son mystérieux envoi expédié de Constantinople. Est-ce un roman autobiographique ? Est-ce un prête-nom pour un illustre Nabokov ou autre ne voulant pas se salir la plume, l’auteur est-il encore vivant de nos jours. Les émanations de souffre de l’ouvrage sont encore bien sensible presque un siècle plus tard et son talent intact nous touche toujours.

Nous sommes à Moscou, pendant la première guerre mondiale mais les horreurs de la guerre ne touchent pas la jeunesse oisive du lycée. On découvre Vadim, un jeune lycéen observateur cynique de son époque. Il se présente comme un jouisseur méprisant et brutal pour qui le tableau de la vie c’est d’abord le quotidien du lycée ou les machinations sociales permettent de grappiller de l’influence, pour qui les femmes ne sont que des faire-valoir d’un "enfant prodige érotique".
Mais derrière la carapace, Vadim est un écorché vif qui agit le plus souvent guidé par des impulsions et le désir de paraître. Il souffre de sa propre cruauté et de son comportement, son humanité transpire dans les regrets et les remords qu’il éprouve. A ce titre le deuxième chapitre où il trompe l’innocence de la jeune Zinotchka pour finalement souffrir de l’inutilité de son geste est assez révélateur.
Finalement, Vadim terminera le lycée et rencontrera l’amour. Celui avec un grand A, que tous attendent. Vadim le trouvera et il causera sa perte et sa déchéance. Malgré tout le cliché de ce concept, le regard perçant et la froide analyse livrée par le narrateur, l’étude de l’antagonisme fatal entre sentiment et désir font de ce roman un chef d’œuvre, très loin du côté romantique et fleur bleue du thème abordé.
La dernière partie ou Vadim sombre petit à petit dans la cocaïne est tout aussi magistrale, mais donne à penser que le point d’orgue est passé. C’est une erreur et le dernier paragraphe fait entrer le roman au panthéon des œuvres immortelles.

Ce livre est monstrueux et merveilleux, il est futile et essentiel, en bref il m’a marqué.