jeudi, décembre 24, 2009

En attendant Noël...

Et voui, c'est le titre d'une de mes nouvelles. Grande première de mettre en ligne l'une de mes productions. On verra bien l'accueil qu'elle recevra :
En attendant Noël

dimanche, décembre 13, 2009

Le pourcentage Atlante

Trois petites lettres que nous utilisons quotidiennement, sans y prêter attention. Waf Waf Waf pourrait faire le chien lorsque la caravane passe sur les autoroutes de l'information. Mais les fameux "www" qui précèdent le nom de nos sites favoris ont une signification dont la sémantique peut faire frissonner. "World Wide Web" ou toile qui répands ses filets sur le monde pour les allergiques à la langue de Tim Berners Lee. L'analogie est troublante car cette toile et ses myriades de réseaux sociaux nous emprisonnent tous, tels des insectes trop curieux englués dans le virtuel en attendant la moisson carnivore des araignées omniprésentes. Est-ce cela "l'esprit Google" ?
Petits insectes sans défenses comme tous ces internautes leurrés par les reflets argentés des fils de la toile, la promesse d'avoir le monde à portée de clic, un rêve d'universalité trompeur. Nous voilà tous à rêver notre vie en mendiant une poussière de renommée pour mieux perdre les chemins ambitieux de l'épanouissement, ceux qui nous permettraient de vivre nos rêves.
Parmi ces petits insectes rêvant de gloire, j'évoquais ces sites débordants de revues de lecture. Dans le bourdonnement de ces internautes piégés par la toile, j'avais découvert la notion de Pile A Lire dont je me faisais l'écho. Cette découverte n'est pas venue seule. Tous ces lecteurs esseulés connaissent la malédiction du choix impossible, perdus dans un monde littéraire bien trop vaste. Alors ils se sont imaginé des défis pour stimuler l'appétence littéraire. Le but est simple et commun à tous ces défis, il s'agit de lire et de commenter un ensemble de romans dans un temps limité. Le choix des livres est généralement contraint par un thème, la bibliographie d'un auteur, une couleur, un lieu ou une époque ou même ce fameux défi alphabétique consistant à lire un livre dont le nom de l'auteur débute par un 'A', ensuite par un 'B' et ainsi de suite jusqu'à épuiser les 26 lettres. Ce dernier défi me tente je l'avoue mais la paresse de me contraindre à 26 livres durant une année m'a fait préférer la voie de la paresse. Je vais plutôt m'attaquer au défi du 1% littéraire en m'engageant à lire 1% de la rentrée littéraire 2009. Il parait qu'environ 700 romans sont parus cette année, sept livres à lire sur une année, ça s'annonce plus facile !

J'ai commencé le défi en abordant l'anneau d'Atlantide de Juliette Benzoni tout juste sorti des presses pour débarquer en masse dans mon supermarché habituel. J'avais entendu le plus grand bien des romans historiques écrits par cette auteur prolifique. Première déception, même si l'action se déroule plus de cinquante ans avant notre époque, il ne s'agit pas vraiment de l'histoire avec son H majestueux. Nous suivons plutôt les aventures récurrentes du prince Aldo Morosini. Ce noble de la sérénissime occupe son oisiveté et son argent à collectionner et revendre des objets d'art, périphrase inutile pour désigner son activité de chasseur de trésors, spécialisé dans les bijoux à l'histoire sulfureuse.
Dans les premières pages, le prince Aldo fait la rencontre d'un égyptien agressé par de mystérieux mais lâches individus. Avant de mourir, le vieil homme aura le temps de lui confier son trésor, un mystérieux anneau argenté. Le hasard de l'écrivain fait décidément bien les choses, Morosini est justement l'un des seuls capables d'identifier l'objet comme l'une des reliques de l'Atlantide.
Dans la louable initiative de restituer l'objet à son propriétaire, le narrateur part pour l'Egypte où il retrouvera par un autre hasard suspect ses habituels compagnons d'aventure. S'ensuit une histoire assez barbante qui pourrait s'intituler "le club des cinq en Egypte" et trouver sa juste place dans la bibliothèque verte de notre enfance.
Dans l'ensemble, c'est assez bien écrit et les personnages sont complexes même s'ils se comportent parfois de manière saugrenue. Si on constate un certain talent dans l'écriture, on ne peut que regretter l'absence de la flamme qui rend le livre si dispensable. Je ne sais pas si je tenterais à nouveau un livre de Juliette Benzoni mais il est plus que probable qu'il ne s'agira pas d'une nouvelle enquête du prince Morosini.
Première expérience décevante donc pour ce pourcentage littéraire, j'espère que les autres remonteront le niveau. En attendant, ma pile de lecture s'est agrandie de vieilleries. Les prochaines "nouveautés" devront attendre.

dimanche, novembre 29, 2009

Une pile à lire ou à subir

On parle souvent de ces parisiens qui n’ont jamais admiré leur ville du haut de la tour Eiffel, de ces savoyards n’ayant jamais posé le pied sur un ski, de ces marseillais qui évitent les plages. Trop de facilité, une proximité oppressante, l’égoïsme ordinaire de ne vouloir partager ses trésors avec les nuées méprisables de touristes ou tout simplement l’idée confuse d’avoir le temps pour en profiter demain. Le cliché a probablement la vie dure mais se vérifie trop souvent, on connaît mal l’endroit où l’on vit.
Il me semble que je n’échappe pas à la malédiction. Cela fait plusieurs années que j’ai tissé mon nid sur la toile numérique, mais finalement je connais bien mal Internet. Depuis près de quinze ans que je survole les autoroutes de l’information, à titre personnel ou professionnel, je n’ai jamais pris le temps de m’attarder sur les voies secondaires, de visiter ces innombrables lotissements uniformes de sites préfabriqués où tout un chacun peut raconter sa petite vie au mépris de l’intérêt commun et du bon goût.
Je suis bien mal placé pour jeter une pierre fût-elle virtuelle dans la mare. Dès mes débuts je bricolais déjà un site personnel, « l’antre du cyber Troll », prétexte pour expérimenter les technologies balbutiantes du world wide (wild ?) web. Aujourd’hui encore, j’alimente sporadiquement ce petit espace avec mes élucubrations nostalgiques ou mes revues de lectures inutiles.
De fait, je suis payé pour connaître assez intimement les technologies régissant cette matrice de l’information qui en moins de deux décennies ont dominé nos vies. Et pourtant, j’y découvre encore et toujours des nouveautés. Sous l’emprise de ce paradoxe sucré, j’ai très récemment découvert que les lecteurs acharnés hantaient déjà le net, que des millions de sites personnels évoquaient la littérature et les revues de lectures sont florissantes. Je ne cherche pas à lutter dans cette bataille perdue d’avance, lorsque je vois ces internautes capables d’alimenter quotidiennement leur site avec de nouvelles lectures, des commentaires souvent érudits, pertinents et intéressants. Pour une fois, la jalousie coutumière de mon caractère ne m’a pas chatouillé les neurones de ses acides. Je ne poursuis tout simplement pas le même objectif. Cette tribune intime et publique ne me sert pas à cela. Dans ces lignes je préfère occuper ma plume plutôt que de la laisser mourir d’ennui.
J’ai donc découvert ces commentaires de lecteurs avec intérêt et passion. J’ai pioché dans les multiples forums de nouvelles notions. Notamment celle de P.A.L, il ne s’agit pas d’un système de codage de la vidéo mais plus simplement d’une Pile A Lire. Elle représente la liste des livres qui sommeillent dans les bibliothèques, au pied du lit, sur un coin du bureau attendant d’être déflorés par leur propriétaire.
Je suis bien content d’avoir mis un acronyme sur l’une de mes malédictions. Nommer ses démons, c’est acquérir du pouvoir sur eux, peut-être les vaincre. En effet, ma P.A.L est conséquente. Il y a tous ces livres qui ont suivis mes déménagements car je ne les avais pas lu, et surtout cette maladie compulsive. Lorsque je m’égare dans une librairie avec le but avoué d’acheter ma drogue de cellulose, je ressorts systématiquement avec deux fois plus de livres que prévu. Mes livres s’empilent, prennent la poussière et disparaissent de ma mémoire. Lors des rares rangements de bibliothèque je les redécouvre avec surprise, frustration et un peu de honte. C’est ainsi que dans la modeste collection de 400 titres que j’ai constituée dans mes contrées alpines, j’en dénombre plus d’une cinquantaine que je n’ai jamais ouvert.
Plutôt que de racheter, je me suis contraint à réduire un peu cette pile et c’est l’objet de ma revue du jour.

Le premier livre que j’ai exhumé de mes rayonnages est un grand classique acquis durant mes années collège. L’âge bête m’avait contraint à subir plutôt que d’apprécier ces perles comme le père Goriot ou Eugénie Grandet. Lorsque j’avais découvert l’histoire de Balzac, son penchant pour l’occultisme et ses talents de précurseur dans le fantastique, j’avais remis le couvert en achetant L’envers de l’histoire contemporaine, sur la base de son titre prometteur. Ne découvrant aucune trace d’ésotérisme ou de fantastique, j’avais bien vite refermé et oublié l’ouvrage.
Jusqu’à ce que je redécouvre le titre en classant ma bibliothèque. Devenu adulte, cette fois passionné par les histoires de complot, de cette réalité trompeuse qui n’est qu’une façade pour les activités occultes des maîtres secrets du monde, j’ai une fois de plus accroché sur le titre. J’ai été moins déçu. Le principe est fabuleux et résolument moderne. On découvre bien une conspiration, mais au contraire du postulat de la plupart des théories du complot paranoïaques, l’élite agissante œuvre pour améliorer la vie de ses concitoyens. On découvre au fil des pages l’histoire tourmentée et saisissante des différents protagonistes de cette société secrète. Chaque histoire résonne comme un hommage de l’auteur envers ses œuvres passées. Malgré mon ignorance crasse de la comédie humaine, j’avoue avoir été ébloui par ce point d’orgue. Le roman accuse malheureusement l’âge et la perte du feu sacré du démiurge qui habitait auparavant l’auteur. Le personnage principal est palot et manque de consistance, parfois ses détours de conscience perdent le lecteur dans le désert de l’ennui. Quand a l’intrigue, sa localisation dans l’espace et dans le temps est inconstante et brouillonne, l’auteur se contredit au fil des pages et déroute son auditoire. Bref, le roman apparaît comme un brouillon bâclé plutôt que l’épilogue étincelant d’une œuvre immortelle.
Malgré tout, je ne regrette pas d’avoir retrouvé un peu du talent incontestable d’un maître et l’envie de redécouvrir ses chefs d’œuvre.

Pour ne pas perdre l’ambiance, le deuxième livre que j’ai lu avec la louable idée de diminuer ma pile de lecture se situait dans la même époque. Avec l’espoir de rallumer la flamme du merveilleux, j’ai abordé les Contes fantastiques d’un contemporain et ami de Balzac, le célèbre Théophile Gautier.
Pouah !
Bien mal m’en a pris. La lecture fût une épreuve difficile, à la façon des coureurs d’endurance, c’est l’obstination et le caractère qui m’ont permis d’en venir à bout. Depuis j’éprouve un profond mépris pour ce monsieur Gautier ayant gagné on de sait comment les galons de la postérité. Car si le livre ne mérite pas d’avoir survécu aux siècles, surtout dans ses pages c’est la médiocrité du romancier qui transparaît. J’essaie de ne pas trop m’abaisser pas à cracher trop mon venin sur ce personnage, il ne mérite qu’une indifférence glacée en espérant que l’histoire finira par oublier son nom. Mais c’est très difficile alors me voilà à dire quelques mots pour avertir le lecteur imprudent de ne pas tenter l’expérience.
C’est donc un recueil de nouvelles, la plupart fantastiques, de ce point de vue le titre du livre ne trompe pas. Par contre, j’ai eu beau m’acharner à les lire, je n’en trouve pas une seule pour rattraper l’ensemble. Il faut dire que le thème a de quoi rebuter celui qui recherche le fantastique et le merveilleux, ce sont toutes des histoires d’amour. Je ne suis pas fan du genre, mais passons. L’amour est décrit dans ce qu’il a de plus niais, de plus naïf ou de plus mièvre. Ici, un jeune homme qui meurt car son aimée ne veux pas de lui, là, la reine Cléopâtre est dépeinte comme une midinette en manque de sexe. La plupart du temps, l’intrigue se résumerait en une poignée de lignes, mais le maudit Téophile enchaîne le lecteur aux pages en lui refusant la libération du mot « fin ». Et voui, parce que l’ami Théo, il aime les descriptions, les pages de descriptions, les kilos de description. Il faut dire que le bougre a visiblement de la culture mais qu’il possède également le mauvais goût de l’étaler avec une pédanterie insupportable.
Aller hop, je vais essayer d’oublier ce mauvais goût que je garde en bouche. Je vais certainement mettre le livre au feu, ça lui donnera enfin un intérêt.

Pour conclure après cette expérience de la pile à lire, j’observerais que si certains livres sont restés non lus, c’est peut être aussi pour de bonnes raisons.

dimanche, novembre 22, 2009

Un oiseau et des oies sauvages...

Le sourire d’un grand père bienveillant, la générosité de son ventre rebondi et la douceur de sa barbe couleur de neige ont guidé notre enfance. Un manteau rouge fantasmé par les vendeurs de limonades et une vérité universelle qui transcende les religions et les peuples. Le monde mesquin des adultes dénonce le complot, l’imposture, une conspiration du marketing. Et pourtant, chaque année voit l’espoir des garçons et des filles se gonfler alors que le mois de décembre avance, jusqu’à cette nuit magique. Chaque année voit le petit matin apporter ses surprises sous le sapin. Cette magie qui brille dans le sourire des enfants. Pourquoi chercher ailleurs une preuve qui se trouve sous nos yeux, le père noël existe.
En dehors des enfants, seuls certains poètes troubadour savent deviner cette réalité que le cœur froid de l’âge d’homme repousse dans les confins d’une imagination vaincue. Romain Sardou en fait partie et son conte pour Sauver Noël réussit à illuminer la flamme du souvenir. Lorsque la réalité devient trop déprimante et que le quotidien perd ses couleurs, lire un tel livre rafraîchit l’esprit et réveille les réminiscences de l’enfance.

C’est une histoire toute simple qui baigne dans le fantastique et le merveilleux. On y retrouve l’esprit de Dickens et l’Angleterre de la reine Victoria. Au plein cœur de l’hiver, le mystérieux baron Ahriman vient emménager au cœur de la capitale. La gouvernante de la maison voisine, Gloria Pickwick découvre alors un complot pour que noël n’ait pas lieu. Et le matin du 25 décembre ne voit aucun cadeau sous le sapin, tandis que le voisin diabolique célèbre sa victoire.

L’histoire est rythmée, bien écrite et se lit d’une traite. On peut juste regretter que parfois l’écrivain en fasse trop et tirant par les cheveux des situations qui n’avaient rien demandé à personne. Mais dans un conte, ça passe. En résumé ce petit livre sans prétention meublera agréablement un voyage en train durant le mois de décembre pour ranimer le fameux esprit de noël.

jeudi, novembre 12, 2009

Un oiseau fondu dans la masse...

L'humanité ne serait-elle qu'un vaste troupeau, que des bergers cupides orientent à leur guise ? Voilà le propos de Ionesco avec sa pièce Rhinocéros, le thème de l'individu qui disparaît pour se fondre dans le moule de la normalité.
Voir passer un rhinocéros, fut-il africain ou asiatique dans un petit village français n'est certes pas "normal". Mais alors, si tout le monde se transformait en rhinocéros, la bienséance voudrait que l'on suive l'exemple, chacun justifiant son choix selon sa perception étriquée du monde. A la fin, l'original serait alors l'humain au milieu des bêtes sauvages.
Avec ces trois lignes, je pense avoir résumé assez fidèlement l'histoire. Postulat absurde, raisonnement absurde, théâtre absurde, sainte trinité qui gouverne la pièce.
Les interprétations habituelles y trouvent un chef d'œuvre, la dénonciation des régimes totalitaires où des comportements humain de collaboration brutalement illustrés par la seconde guerre mondiale. Quand à moi, je lâche prise et je baille.
Sous sa forme écrite, le théâtre fait l'économie de la description pour se concentrer dans le dialogue, exercice de style difficile et peu valorisant. Du coup le talent de l'écrivain disparaît derrière celui du metteur en scène ou celui des acteurs seuls capables d'habiller dignement des conversations. Et bien je peux affirmer que c'est encore pire pour le théâtre absurde. Les réflexions deviennent incohérentes, et les échanges pénibles.
Je pense sincèrement que Rhinocéros est une bonne pièce mais je suis persuadé qu'il faut impérativement la voir avant de la lire. Ne serait-ce que pour vivre tout ces moments de silence et ces intonations donnant parfois au surréaliste un ton comique.

Quand au fond de commerce de la pièce, que j'interprète comme une analyse de la normalité. Génie ou pas, je ne suis pas convaincu. Pas plus que la ritournelle éducative servie par des donneurs de leçon borné lorsque leur progéniture suit les autres enfants dans leurs bêtises collectives: Si tout le monde se jetait dans un puis, est-ce que tu ferais pareil ?
Peut-être que oui, peut-être que non. A vrai dire si la question est simpliste, la réponse est potentiellement intéressante. Sauf le propos de Ionesco ne semble pas vraiment plonger sous la superficialité des raisonnements communs.

mardi, novembre 10, 2009

Noyé dans l’océan mer


Perdu dans les brumes d’un amour disparu, le poète parlait d’une terre bleue comme une orange. Non, je ne souhaite pas commenter de ma voix maladroite le génie des images de Paul Eluard. Je serais plus trivial en m’attardant sur la couleur qui donne sa beauté et ses mystères à notre petite planète. Le bleu que peuvent contempler nos cousins martiens est dû à nos déserts marins, cet Océan mer qui justifie le roman éponyme de Alessandro Baricco.
C’est un livre étrange au premier abord. Comme la mer, il se mérite et s’apprivoise. Le premier contact est houleux. L’écriture suit une lente ondulation et les expressions se répètent inlassablement. Sur la crête des vagues, la richesse du style et le goût râpeux du sel donnent la nausée. On croit qu’on n’en sortira jamais et on regrette d’avoir acheté un billet. Puis finalement on s’habitue et on commence à comprendre.

On commence à comprendre la folie de réunir ces personnages dans la pension Almayer. Entre ce peintre cherchant à saisir le portrait de la mer, ne traçant sur la toile que des lignes invisibles d’eau salée, cette petite fille trop sensible que la moindre émotion risque de tuer, ce scientifique naturaliste collectionnant les lettres d’amour pour la femme de sa vie en attendant de la rencontrer et tant d’autres portraits de personnages improbables que seule la perfection du hasard ou la volonté du démiurge peut réunir le temps d’un roman.

On commence à comprendre que derrière cette poésie rimant la fantaisie la réalité revient à la vitesse d’un cheval au galop. L’histoire avec un grand H de ce bateau échoué au large de la Mauritanie, la tragédie d’un radeau symbole du désespoir et de la déchéance immortalisé par Géricault. Contrepoint du chef d’œuvre pictural, le roman gratte couche après couche le drame dans sa crudité la plus absolue.

On commence à comprendre que le personnage principal de l’histoire ne se cache pas derrière les portraits improbables des protagonistes, que ce n’est pas le drame de la méduse, ni même la mystérieuse pension Almayer ou l’inconnu dans la septième chambre. Non le véritable personnage du roman, c’est l’Océan mer du titre.

La dernière page tournée, on se sent de nouveau mal à l’aise, une vague de nostalgie venue de nulle part nous emporte. Mystérieusement atteint par le mal des marins de retour sur la terre ferme, on rêvasse à la beauté du verbe à la saveur des mots au goût salé du style persistant dans la gorge.

A feuilleter à nouveau livre trois mois plus tard je constate que la magie est toujours là et contrairement à mes habitudes je ne résiste pas à conclure sur un extrait.
Et à présent qu’il est parti, il n’y a plus assez de temps. L’obscurité suspend tout. Il n’y a rien qui puisse dans l’obscurité devenir vrai.

jeudi, octobre 22, 2009

Un lecteur imprudent

Un emploi du temps trop bien rempli occupe mes pensées. Ces derniers mois, exhumer des revues de lecture tient plus de l’archéologie que de la critique littéraire. Pour retrouver les souvenirs enfouis de tel ou tel livre, je dois plonger dans le lagon improbable de ma mémoire pour y pêcher des réminiscences aléatoires. L’exercice se révèle frustrant et difficile alors je retarde le moment, malheureusement le temps qui passe complique encore la corvée. Me voilà donc face à l’un de ces livres duquel ma mémoire peine à retrouver les bons et les mauvais souvenirs. L’écharde est profondément enfoncée, ce sera plus douloureux à extraire. Si j’attends encore ce sera pire. Alors je prends une bouteille de whisky, pour désinfecter, un scalpel bien aiguisé et je découpe en serrant les dents.
Depuis H.G Wells, le voyage dans le temps a toujours été l’un des thèmes les plus abordés de la science fiction. La problématique sous jacente est une mine de paradoxes et de bases philosophiques pour les conteurs. René Barjavel aborde le thème en précurseur avec l’histoire d’un voyageur imprudent.
Le narrateur est improbable. Mathématicien de talent entraîné dans les douleurs de la plus grande tuerie qu’ait connu le siècle dernier. Le roman s’ouvre sur une débâcle militaire au milieu de la guerre. Le hasard irritant d’un deus ex machina qui s’invite dès les premières pages en organisant la rencontre du mathématicien nommé Pierre Saint Menoux et de son mentor, le physicien Noël Essaillon. Comme la coïncidence n’entraîne aucune pudeur chez l’écrivain, St Menoux est justement l’homme qui par ses commentaires dans les revues scientifiques a soutenu les travaux de l’inventeur et lui a permis de découvrir une substance pour voyager dans le temps. Mis à part cette contribution essentielle, Saint Menoux se contentera d’assister le savant en explorant pour lui les méandres du temps, son esprit scientifique définitivement abandonné dans la suite du récit.
Au beau milieu du roman, le narrateur s’enfonce dans un futur très lointain, 100 000 après notre ère pour découvrir une société idéale ou l’individu a disparu pour se fondre dans une collectivité d’êtres spécialisés. L’expérience finira par coûter la vie de son mentor. Saint Menoux, livré à lui-même accumulera alors les maladresses qui finiront par causer sa perte.
La scène finale présente aux habitués du genre un air de déjà vu tant le thème a été rebattu depuis. Il m’en coûte mais je n’en dirais pas plus pour ne pas gâcher la surprise d’un lecteur moins blasé. Il y a beaucoup de facilités dans l’histoire, joie des paradoxes temporels qui permettent au créateur fatigué de justifier beaucoup sans efforts.
M’est avis qu’en dehors de sa qualité de précurseur le livre reste tout à fait dispensable.

lundi, septembre 07, 2009

Faites entrer l’accusé

Des jours et des nuits qui valsent dans la musique cosmique. Leur danse céleste a de quoi donner le tournis. Quand on sait qu’un autre matin se lèvera forcément, on s’endort dans une monotonie brumeuse. On reporte au lendemain, on laisse le temps s’écouler dans l’apathie et la morosité jusqu’à ce que le sablier égrène son dernier battement de cœur.
Il en va ainsi pour la majorité d’entre nous, arrivant à la mort sans avoir vraiment vécu. Sauf pour certains élus, heureux où malchanceux choisis par la fortune.
Tel est le destin de Joseph K. en ce beau jour où un éclair déchire le brouillard de la monotonie. Le Procès de Franz Kafka débute ainsi par l’arrestation du jeune homme. Une arrestation bien singulière car les agents qui viennent l’informer de son inculpation sont incapables de lui révéler les chefs d’accusation et se contentent de le laisser vaquer à ses occupations. De fait Joseph K. n’ira jamais en prison, bien mieux enfermé par les barreaux du quotidien que par ceux d’une cellule.
La scène est brutale, dérangeante, absurde et passablement ennuyeuse, tout comme le reste du livre. L’art de la critique reste délicat quand il s’agit de donner son avis sur un chef d’œuvre reconnu comme tel par la postérité. On se dit que l’on a manqué quelque chose ou bien qu’il nous manque des neurones pour saisir la portée du texte.
A vrai dire, moi je me dédouane en affirmant que je lis des histoires. Si elles entraînent à une réflexion, tant mieux j’en sors grandi, sinon cela ne les empêche pas de rester divertissantes. C’est tout le problème de ce livre, c’est vendu comme un roman, ça ressemble à un roman, ça présente une fiction romancée, mais ça ne devrait absolument pas se lire comme un roman. Je n’y ai trouvé que la projection toxique des névroses de l’auteur sur le papier, une dénonciation par l’absurde de la justice populaire et du bon sens commun.
A la lecture, j’ai cette impression bizarre, semblable à ce jeu d’enfant qui consiste à tourner sur soi même jusqu’à s’en rendre malade et ne plus pouvoir marcher droit. Après l’arrestation de Joseph K. j’avais ainsi l’impression de tituber le long des pages, étranger à l’action du roman.
Au début, le comportement de Joseph K. est très humain, vouloir comprendre ce dont on l’accuse, essayer de comprendre le fonctionnement de la justice et d’en critiquer les mécanismes arbitraires qui la gouvernent. Même essayer d’oublier le procès est compréhensible. Et petit à petit le comportement même du narrateur devient étrange à mesure qu’il tente de se défendre, jusqu’à ce qu’enfin il accepte son destin.
Les enseignements de tout cela semblent bien cachés pour mon esprit profane, je ne peux que ranger le livre dans ma bibliothèque avec la satisfaction d’ajouter un classique à ma liste et de comprendre enfin l'adjectif "Kafkaïen". Tout le reste n’est que philosophie.

mardi, août 25, 2009

Perdu dans le ciel, à regretter les anges et les démons

Les antipodes ont ce défaut d'être situées précisément à l'autre bout du monde. Et sur notre si petite planète bleue, l'autre bout du monde c'est déjà loin, très loin. Délaissant mes préoccupations écologiques pour me rendre en Polynésie, j'ai donc pris l'avion, cette espèce de boite de conserve propulsée par des tonnes kérosène afin de tenir miraculeusement dans les airs. Et malgré la vitesse de ce genre d'appareil, il faut quand même compter vingt heures pour arriver à destination. C'est long, très long.

Le rapport de temps est passablement différent mais c'est une perte de temps assez comparable aux transports en commun quotidien pour aller travailler. Donc pendant vingt heures, on s'occupe comme on peut. Et notamment j'ai lu. Coincé au milieu du ciel, ça me semblait de circonstances d'entamer Anges et Démons de Dan Brown.

J'avais déjà lu son succès interplanétaire du Da Vinci Code. Le roman était servi par une écriture simple mais efficace. En dépit des accusations de plagiat, l'intrigue était ambitieuse et l'idée de base géniale. Malheureusement, comme souvent avec les idées trop ambitieuses, le final n'était pas à la hauteur. Et pourtant ce livre m'avait plu, surtout par son aspect ludique à proposer au lecteur des énigmes à résoudre en même temps qu'une ballade néophyte dans l'histoire de l'art.

Me voilà donc à nouveau plongé dans les palpitantes aventures de Robert Langdon dans un nouveau thriller, au milieu des complots millénaires et des symboles cachés de l'histoire de l'art. Bien mal m'en a pris. Si l'on peut difficilement qualifier le Da Vinci code de chef d'œuvre, il est encore plus délicat d'attribuer à son prédécesseur la qualité de brouillon. Et pourtant, dans ce livre on sent les prémices du futur best-seller, le talent en moins.

L'intrigue est une copie conforme. Outre le même narrateur, on retrouve l'assassiné de la première scène qui déclenche l'action. Comme d'habitude c'est la jolie jeune fille adoptive du malheureux qui se retrouve aux côtés du héro durant l'action. Sans aucune pudeur j'oserais révéler que le roman se terminera par une scène d'amour entre les deux tourtereaux. Au cœur du roman, un jeu de l'oie sur l'histoire de l'art pour rebondir d'indice en indice dans les chefs d'œuvres du patrimoine Italien. Il y a toujours un tueur mystérieux et solitaire, froid, efficace et implacable, appartenant à une confrérie secrète centenaire. La construction même de l'alternance des chapitres avec les points de vue croisés du meurtrier et de Robert Langdon est la même que pour le code Da Vinci. On troque la lutte millénaire entre l'église catholique et le prieuré de Sion, contre la même église catholique attaquée par les Illuminati. Ce n'est plus l'opus Dei qui emploie le tueur mais la secte des hashishiyyin. Bonnet blanc, blanc bonnet, tout ça.

Sauf que cette fois ça ne marche pas. Déjà, l'aspect ludique des indices dissimulés dans les œuvres perd de sa nouveauté et semble le plus souvent tirée par les cheveux. Les contre-vérités historiques, les approximations et les hypothèses invraisemblables s'enchaînent. La problématique posée est moins ambitieuse, à savoir un vieux groupe qui décide de se venger de l'église catholique comme prétexte à une resacralisation du monde. Enfin et surtout le narrateur est proprement insupportable. Tout d'abord dépeint comme un simple professeur d'université, du genre veste en tweed et long dimanches dans les bibliothèques, il deviendra au fil des pages un athlète accompli capable de rivaliser avec un tueur surentrainé ou bien de sauter d'un hélicoptère sans parachute. Le tout en moins de deux jours.

En bref et même si le livre se lit facilement et au final permet de passer le temps, je ne le recommanderais vraiment pas.

vendredi, août 21, 2009

Un oiseau bleu qui a mal aux yeux


J'avais déjà évoqué mon expérience de l'an passé avec la lecture touristique. Et bien j'ai remis ça.
Il se trouve qu'au tout début de l'été j'ai eu l'occasion d'aller vérifier si la terre était ronde et si les hommes qui se trouvaient à l'autre bout du monde ne marchaient pas à l'envers. Au risque de m'attirer l'ire des jaloux, j'ai effectivement visité les plages blanches encombrées de paisibles cocotiers et me baigner dans les nuances de bleu impressionnistes de la Polynésie Française.
J'avoue qu'à ce moment là, d'autres préoccupations titillaient mon imaginaire que des aventures fantasmées dans le papier. Il y a tellement de choses à faire sur place que la farniente bouquinante ne m'a jamais attrapé.

Du coup, juste un petit livre pour trois semaines de voyages. Un recueil de nouvelles pour ne pas se faire prendre au piège d'une intrigue sur trois cents pages. Des histoires simples pour ne pas ajouter à l'insolation la migraine du lecteur forcené. Et comme il s'agissait de lectures touristiques, je vais vous commenter Le bleu qui fait mal aux yeux de Alex du Prel.

Je ne sais pas si c'est la volonté de l'éditeur ou bien le narcissisme de l'auteur mais on commence par une impressionnante biographie de l'auteur. On y découvre ainsi un aventurier qui a pas mal bourlingué dans sa carrière avant de se mettre à l'écriture pour raconter sa vision de la Polynésie. C'est un fait, le quidam est amoureux de la région, il se veut poète mais ce n'est absolument pas un écrivain. Déjà, sa plume se perd dans les superlatifs pour décrire le paradis sur terre, ça en devient lassant. Mais c'est surtout le fond du discours qui pique aux yeux, gentillet pour ne pas dire complètement niais.

Pour résumer l'intégralité du livre, on se contentera d'un nostalgique "c'était mieux avant". Il semblerait que les polynésiens vivaient une utopie dans les temps anciens, vu l'environnement on peut le comprendre. Et puis les occidentaux sont arrivés et ils ont tout gâché. Ces salopards n'ont absolument pas cherché à comprendre et à respecter le peuple des iles mais ont cherché à imposer leur mode de vie et leurs manières. Société de consommation uniformisée, l'homme blanc qui ne comprends pas et qui détruit ce qu'il touche, bref des lieux communs.
Nos anciennes habitudes colonialistes donnent certes un écho réaliste à ce refrain. Mais dans le thème des méfaits du colonialisme, je préfère de loin la vision d'un Mike Resnick avec son infernale comédie qui donnent une réelle dimension dramatique et entrainent une réflexion vertigineuse. Ici, la profondeur de l'analyse n'est pas au rendez-vous, le discours ne va pas plus loin qu'une glorification passéiste. Alors le même couplet sur une douzaine de nouvelles c'est trop.
C'est dommage car il y a une certaine tendresse dans l'écriture et quelques pages suffisent à nous restituer cette chaleur humaine incomparable qu'on trouve dans les iles du bout du monde.

Malheureusement, une ambiance chaleureuse ne suffit pas ça faire un bon livre. En l'occurrence, ça n'en fait pas un mauvais non plus. Juste un petit truc à lire avant d'aller piquer une tête dans les plus beaux lagons du monde.

mardi, août 18, 2009

L'oiseau faussaire

Une revue de lecture, c'est finalement un prétexte. Un prétexte pour parler de soi, mais aussi un prétexte pour parler tout court. Face à la mélancolique fixité d'un écran d'ordinateur, parler n'est rien, il faut écrire. Écrire pour soi bien sûr, mais surtout écrire pour une multitude virtuelle.

Voilà ma motivation profonde au travers de ce blog. Lorsque l'inspiration me fait défaut, que l'imaginaire s'enfuit, je trouve un cadre pour écrire. Commenter mes lectures récentes est généralement facile et j'aime à croire que cela contribue à affuter ma plume.

Mais voilà, de temps à autres mes lectures ne m'inspirent rien. Voilà peut être l'émergence d'un nouveau concept, l'indifférence littéraire. En parler devient alors singulièrement difficile et rédiger quelques lignes sur ce blog tiennent plus du remplissage que de l'écriture.
A chacun son fardeau, j'assumerais donc ce rôle que je me suis choisi en vous parlant des Falsificateurs de Antonio Bello.

Le roman est assez bien écrit, la prose est fluide et efficace, l'idée de base est tout simplement géniale. Mais encore une fois le traitement emmène l'ouvrage dans mon panthéon des belles idées gâchées.
Le postulat de base est qu'il est possible de modifier la réalité en manipulant l'information. Une organisation secrète, le consortium de falsification du réel, cherche ainsi à transformer ou à inventer de toutes pièces des évènements historiques afin d'orienter la marche du monde. Inventer une nouvelle espèce en voie de disparition ou bien répandre la rumeur de la première chienne dans l'espace nommée Laïka représente un sacré travail. La puissante CFR profite de l'actualité pour la manipuler, manœuvre les médias, créée de fausses preuves. Après tout, si l'on falsifie les rapports et les archives, que l'on manipule les images et les textes liés à un évènement comment la multitude n'ayant pas observé directement l'évènement pourrait elle faire la différence entre la réalité et la fiction. C'est un travail colossal car souvent l'information se répand rapidement et les sources sont multiples et insoupçonnées.

L'histoire débute donc avec le recrutement du jeune Sliv Darthunger, fraichement émoulu de l'université de géographie de Reykjavík. Rapidement, il deviendra un scénariste hors pair et gravira les échelons de l'organisation. C'est son imagination qui lui souffle les évènements à manipuler ou à créer. Seulement manipuler la réalité c'est quelque chose, savoir dans quel but c'en est une autre. C'est là le nœud de l'intrigue ne pas savoir qui il sert et pourquoi le perturbe, même si les aspects ludiques de son travail lui permettent de passer outre.
Si les aspects géopolitiques et les jeux de pouvoirs sont très bien décrits et passionnants dans le livre, au final on n'arrive pas à y croire. Je ne suis pas rentré dedans, car déjà le narrateur m'agace avec son arrière goût de premier de la classe et son goût immodéré de la compétition. Ensuite, il y a une certaine légèreté dans la façon dont le CFR confie à de jeunes recrues la possibilité de véritablement changer le monde. Enfin, une fois la dernière page tournée, le lecteur n'en saura pas plus sur le pourquoi de toute l'organisation. Et le comment se révèle souvent boiteux, j'ai la naïveté de croire que manipuler les évènements de première importance doit être sérieusement plus compliqué. Sans compter l'arrière goût malsain que propose l'histoire car après tout, sans sombrer dans la peur du complot et la paranoïa, des gros groupes pourraient parfaitement jouer à ce jeu, avec des objectifs moins innocents que la façade présentée par le CFR.

Au final, je sais qu'il y a une suite et une fin à ce livre mais je ne suis toujours pas décidé à investir dans le deuxième tome. Ce livre va se certainement prendre la poussière dans la bibliothèque anarchique de mon esprit au côté du Tueur de temps de Caleb Carr qui exploite le même concept génial de manipulation de la réalité sans réussir non plus à transformer l'essai.

lundi, août 10, 2009

Little Green Bird

Encore et toujours mes devoirs de vacances. Aujourd’hui je vous propose un tableau de vert et de rouge, une récréation au milieu de toutes mes lectures trop sérieuses ou trop dramatiques. Il s’agit de l’histoire d’un petit homme vert, ou L.G.M, little green man pour ceux qui n’auraient pas le réflexe yuppie de migrer toute expression dans un anglicisme post-moderne pour le dessécher sous la forme d’un acronyme abscons.
Donc cette symphonie composée par Wagner. Nan, pas le compositeur allemand, Roland Charles Wagner notre romancier français, prolifique et souvent déjanté. Je disais donc, dans cette symphonie, la vie existe sur mars et elle a le bon goût d’envoyer sur terre l’un de ses ambassadeur. Un petit homme vert, forcément.
Tout de suite vous pensez à Frederic Brown et son délirant Martiens go home, et vous avez raison. Le livre s’ouvre d’ailleurs sur une citation extraire du quidam et l’ensemble fait beaucoup penser à un hommage à l’œuvre du maître.

Donc une quarantaine d’année avant l’action, les américains et les russes occupés à comparer leur virilité envoyaient des trucs dans l’espace. Ca vidait les caisses du contribuable, mais ça valait déjà mieux que de s’envoyer des bombes à neutrons à la figure. Tout est que les américains avaient envoyé une sonde sur mars. La première image en provenance de la sonde était un petit homme vert, en train de tirer la langue. Dès lors une course s’était engagée pour amener sur mars un équipage. Course remportée par les russes, les premiers à poser le pied sur la planète rouge et en ramener un ambassadeur, vert.
Le roman débute au moment ou le narrateur est chargé de retrouver la trace du martien, kidnappé par une bande de hippies. Il retrouve bien vite l’ambassadeur qui avait tout simplement fugué échapper aux délégations diplomatiques ennuyeuses et goûter au sexe, aux drogues et au rock ‘n roll.
Sitôt retrouvé, le petit homme vert se fera kidnapper pour de vrai par les agents rouges du KGB. Bien sûr notre narrateur, agent secret des services français sera dépêché à sa recherche. Une course poursuite excentrique et haletante nous tiendra alors en haleine jusqu’à la dernière page. Nous visitons une uchronie farfelue ou la guerre froide ne s’est pas arrêtée. Les américains sont sur le déclin et leur pays rongé par les ambitions démesurées du petit buisson se morcelle en états sécessionnistes comme la Californie, dirigée par le leader charismatique des Dead Kennedys. De leur côté, les russes s’ouvrent à une vraie démocratie et remportent petit à petit la victoire pour la suprématie mondiale. Je n’en dévoile pas plus mais l’histoire rebondie souvent dans des directions inattendues et rocambolesques.

Les intermèdes sous la forme de dépêches et d’extraits des journaux internationaux nous familiarisent avec cette tranche alternative de l’histoire. Les citations et références truffent le texte pour détourner les icônes de la culture populaire moderne. Le résultat est croustillant et savoureux, on se surprend à délaisser l’intrigue pour dénicher les références, trouver des indices et se bidonner devant un Daniel Balavoine chantant je ne suis pas un martien.

Au final le roman est assez plaisant à lire et divertissant. Certainement pas l’œuvre du siècle mais un sacré bon moment. Malheureusement, ce genre de livre risque vieillir très vite, trop référencé et trop engagé contre les impérialismes divers.

dimanche, août 09, 2009

Un oiseau maudit

Il fait beau aujourd’hui et pourtant je paresse à la maison. Retenu par la conscience aigue de ces milles choses à faire. Milles petites corvées de la vie quotidienne comme autant de boulets pour entraver ma résolution d’en accomplir une seule.
Mettre à jour ce petit blog et rattraper un retard chronique dans mes revues de lectures en fait partie. Alors me voici coincé devant l’ordinateur alors que le soleil brille. Tant pis pour vous. Je vais parler de la mort et de la manie de la grande faucheuse de couper le fil de nos pauvres existences. La plupart du temps, la fin de nos vies anonymes n’affectent pas la marche du monde et les échos s’arrêtent bien vite. Il en va autrement lorsque la gloire et la célébrité ont illuminé le pauvre défunt. C’est alors que les médias s’emparent de la tragédie pour faire remonter à la surface les bulles de la mémoire et que des milliers de philistins découvrent les faits des grands hommes.
C’est ainsi que j’ai appris la mort de Maurice Druon, pour moi l’un de ses poussiéreux écrivains d’avant guerre. Le nouvelle ne m’a pas trop touché jusqu’à ce je fasse le rapprochement avec son œuvre majeure sur les rois maudits. Dans mon esprit c’était surtout une série télévisée populaire dont je m’étais promis de visionner le remake récent. La saga des rois maudits est également l’une des sources d’inspiration des chroniques du trône de fer dont je suis friand.
Le coup de projecteur de la mort aura fini par me décider à acheter les premiers livres de la saga, à savoir le roi de fer, la reine étranglée et les poisons de la couronne.

L’ouverture du premier livre donne le ton avec la fin du procès des templiers et l’annonce du jugement de Jacques de Molay. L’un des hommes les plus puissants de son temps réduit aux haillons d’un prisonnier commun après sept ans d’un procès inique et calculé. Sur le bûcher le grand maître aurait prononcé une malédiction restée célèbre :
Pape Clément ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races !
Cette déclaration est probablement fausse. Mais elle donne le thème de la saga des rois maudits. Page après page, nous seront captivés par le destin funeste des derniers capétiens. Entre adultère et empoisonnement, cabales et complots la famille royale va s’éteindre rapidement. C’est dramatique, mais c’est un vrai régal à lire.
Malheureusement, la qualité de l’écriture est inégale entre les chapitres, du soporifique au burlesque on se demande si c’est le même auteur qui a écrit l’ensemble. La rumeur voudrait que non et que Maurice Druon ait réuni des collaborateurs pour sa saga. Malgré tout l’ensemble reste très bon et l’on oublie vite les chapitres un peu légers.

Moi qui affectionne les sombres machinations politiques et les trahisons en tout genre, je n’ai pas été déçu. Quel frisson de penser que la richesse de l’intrigue et les sommets du drame sont inspirés par notre passé. La vocation pédagogique d’un tel ouvrage n’est pas non plus laissée de côté. Comprendre les bouleversements politique et sociaux de l’époque donne une lumière passionnante sur nos institutions actuelles. Dans ce livre on découvre véritablement comment notre pays s’est créé. D’autant plus qu’une riche collection de notes historiques et biographique nous immergent dans l’époque, sans rendre la lecture pesante.

Je me suis arrêté au bout du troisième tome parce que l’on m’avait prévenu que la suite était moins intéressante et j’avais d’autres priorités sur ma pile de lecture.
Mais j’y retournerais un jour, c’est forcé.

samedi, août 08, 2009

Les oiseaux ont chanté

Où est passé le joli mois de mai avec ses bourgeons et ses oiseaux qui chantent? Il est venu, puis s’en est allé. Les mois ont défilé et sur les arbres les bourgeons fleurissent mais pas les billets sur cette branche perdue dans la toundra numérique.
Tout ça pour dire que je suis sacrément en retard de mes revues de lectures.
Les raisons et les excuses ne manquent pas. Sur mon petit carnet, j’ai même un mot d’excuse signé par l’adjointe au maire du petit patelin où j’habite. Tout ça pour un simple petit "oui". Moi qui d’habitude prends plaisir à jongler avec les mots, me voilà perdu face à trois petites lettres, communes et banales. Malgré mes préoccupations nuptiales, je n’ai pas lâché mes romans et nouvelles.
L’amour, le sexe et autres préoccupations sentimentales me fournissent une magnifique introduction. C’est encore l’été et malgré le retard, je peux toujours commencer mes carnets de vacances pour vous faire la revue d’un Roman avec cocaïne de M. Aguéev.

Comme c’est l’un des points qui poussent la plupart des lecteurs curieux à lire ce livre, je suis bien obligé de dire quelques mots sur l’auteur. M. Aguéev (Maurice ? Marcel ? Un prénom russe imprononçable ?) est un mystère. Il n’est connu que pour quelques manuscrits, dont le roman avec cocaïne, envoyés à un éditeur parisien. Roman presque anonyme, l’auteur n’a laissé aucune adresse et n’a jamais été formellement identifié. Il faut dire que dans les années 30 évoquer crûment les réalités sombres de la drogue et du sexe fait scandale. Quantité de légendes circulent au propos de M. Aguéev, et de son mystérieux envoi expédié de Constantinople. Est-ce un roman autobiographique ? Est-ce un prête-nom pour un illustre Nabokov ou autre ne voulant pas se salir la plume, l’auteur est-il encore vivant de nos jours. Les émanations de souffre de l’ouvrage sont encore bien sensible presque un siècle plus tard et son talent intact nous touche toujours.

Nous sommes à Moscou, pendant la première guerre mondiale mais les horreurs de la guerre ne touchent pas la jeunesse oisive du lycée. On découvre Vadim, un jeune lycéen observateur cynique de son époque. Il se présente comme un jouisseur méprisant et brutal pour qui le tableau de la vie c’est d’abord le quotidien du lycée ou les machinations sociales permettent de grappiller de l’influence, pour qui les femmes ne sont que des faire-valoir d’un "enfant prodige érotique".
Mais derrière la carapace, Vadim est un écorché vif qui agit le plus souvent guidé par des impulsions et le désir de paraître. Il souffre de sa propre cruauté et de son comportement, son humanité transpire dans les regrets et les remords qu’il éprouve. A ce titre le deuxième chapitre où il trompe l’innocence de la jeune Zinotchka pour finalement souffrir de l’inutilité de son geste est assez révélateur.
Finalement, Vadim terminera le lycée et rencontrera l’amour. Celui avec un grand A, que tous attendent. Vadim le trouvera et il causera sa perte et sa déchéance. Malgré tout le cliché de ce concept, le regard perçant et la froide analyse livrée par le narrateur, l’étude de l’antagonisme fatal entre sentiment et désir font de ce roman un chef d’œuvre, très loin du côté romantique et fleur bleue du thème abordé.
La dernière partie ou Vadim sombre petit à petit dans la cocaïne est tout aussi magistrale, mais donne à penser que le point d’orgue est passé. C’est une erreur et le dernier paragraphe fait entrer le roman au panthéon des œuvres immortelles.

Ce livre est monstrueux et merveilleux, il est futile et essentiel, en bref il m’a marqué.

jeudi, mai 14, 2009

Un trône de fer, pour que l’oiseau fasse son nid

S’il est un domaine ou la curiosité des sens et le libertinage élèvent l’esprit, c’est bien la littérature. Le lecteur avisé prendra soin de sortir des sentiers battus par des plumes que le succès a rendu paresseuses. Je ne suis pas de ceux là. Lorsque le poète m’a séduit, il m’enchaîne à son oeuvre. Je vois bien lorsque les sagas s’étirent dans la longueur, lorsque la créativité s’assèche. Victime consentante, je me laisse entraîner dans les profondeurs d’une nuit éternelle que la qualité ne vient plus illuminer. C’est plus fort que moi, je veux retrouver le destin des personnages que j’ai appris à aimer, je continue de suivre leurs aventures désormais cousues d’un fil grossier quand elles ne sont pas devenues burlesques.
Il m’est bien difficile de me détacher des boulets de mes amours passés. Il me suffit de songer aux chroniques d’Anne Rice, à l’égarement de la compagnie noire, à l’assassin royal boudeur pour maudire le mauvais goût obstiné qui me pousse à engraisser les rentes de leurs créateurs.

Il arrive cependant que la fidélité soit récompensée. Certains auteurs prennent le parti de ralentir la cadence lorsque la qualité décroît pour ne garder que le meilleur. Le livre dont je vais vous parler s’inscrit dans cette logique vertueuse. J’ai l’impression d’assister à la naissance d’une légende, chaque livre que j’achète jalonne une œuvre immortelle. Malheureusement, l’avenir est comme une catin traîtresse. Elle promet beaucoup et ne rend pas en conséquence. J’espère donc être dans le vrai lorsque je vais vous louer la saga du trône de fer de G.R.R Martin. J’ai acheté le dernier tome paru, un festin pour les corbeaux et une fois de plus je me suis régalé.
C’est difficile de commenter un tel livre car pour lui rendre sa juste valeur il faudrait présenter l’intégralité de la saga. Chose impossible tant l’œuvre est riche et touffue. Le trône de fer, traduction malheureuse de A song of ice and fire raconte l’histoire du royaume imaginaire de Westeros. C’est un monde médiéval fantastique sombre et violent qui s’enfonce inexorablement dans la guerre civile.
Il est important de pointer malgré mon attachement pour les littératures de l’imaginaire, ce qui a été commis sous l’étiquette moderne du médiéval fantastique relève la plus souvent de la fange. Rares sont les exceptions à mes yeux, même le vénérable seigneur des anneaux ne subsiste dans mon palmarès qu’en sa qualité de précurseur. Il me semble m’être déjà appesanti sur les clichés insupportables du genre.
Avec le trône de fer, point de prophétie séculaire ni de groupe d’aventuriers improbable, encore moins le sempiternel voyage initiatique d’un gamin insupportable. Non, l’époque baigne dans l’ignorance crasse et les craintes superstitieuses, les protagonistes ne sont pas très nombreux à survivre à la voracité brutale des nobles et leurs jeux de pouvoirs. Si l’action se concentre dans les premiers tomes sur le destin d’une famille noble aux idéaux chevaleresques. Très rapidement, la faucheuse agite son sablier, la famille éclate dans le sang et le malheur tandis que le royaume sombre dans une guerre de succession impitoyable. On s’attache petit à petit aux survivants, qu’ils soient bons ou malveillants, courageux où comploteurs. On apprends avec eux à découvrir les différents partis en présence ou le blanc et le gris se fondent dans les lueurs changeante d’une mer grisâtre. Je n’ai jamais vu une telle galerie de personnages, tous si vivants dans la profondeur de leur caractère et de leur vécu.
Il existe 12 tomes traduits en Français à ce jour (étrangement l’œuvre originale contient quatre tomes et a été découpée par les éditeurs Français sous les auspices de la rentabilité économique). L’auteur prend son temps écrire et parfois on se trouve pendant plusieurs années sans rien avoir à se mettre sous la dent. Et dès lors qu’un nouveau tome apparaît nous voilà replongé dans l’histoire tumultueuse des sept couronnes. G.R.R Martin atteint le génie lorsqu’avec quelques pages ils nous remémore l’histoire passée dans toute sa richesse et nous entraîne encore et encore sur de nouvelles pistes, défriche de nouveaux thèmes, et nous présente des problématiques insoupçonnées.
Enfin bref, avec le festin pour les corbeaux, j’ai repris une dose et c’est toujours aussi bon.
L’autre défaut de ces histoires qui durent dans le temps c’est que lire est beaucoup plus rapide qu’écrire. Et que la lecture de ce dernier tome a provoqué en moi un tel manque que je me suis empressé d’acheter une compilation de deux nouvelles du même auteur, dans le même univers. Quelques centaines d’années plus tôt on suit les aventures du Chevalier errant et de l’épée lige. On ne retrouve point la grandeur et le souffle épique de la saga du trône de fer, juste l’histoire d’un chevalier, véritable chronique moyenâgeuse transposée dans l’univers de Westeros. C’est très agréable à lire et le côté optimiste de ces histoires a quelque chose de rafraîchissant dans cet univers sombre et brutal.

jeudi, avril 30, 2009

J’ai la mémoire qui flanche…

Je n’ai pas encore l’âge pour laisser mon esprit sombrer dans les eaux profondes d’Alzheimer. Et puis j’ai toujours eu la mémoire capricieuse. Il n’empêche, que ne pas se souvenir d’un livre lu la semaine passée c’est un comble. Hier soir je commençais un petit laïus sur mon livre de chevet actuel lorsqu’un doute affreux me saisit. Et si depuis la lecture de la Horde du Contrevent j’en avais oublié un ? J’ai eu beau me casser la tête pendant près d’une heure, pas moyen de savoir qu’est ce qui m’avait échappé. J’en ai conclu que j’avais rêvé.

Et puis ce matin en consultant le registre de mes achats de roman, je suis retombé sur ce titre, L’instinct de l’équarisseur de Thomas Day. J’avais déjà été très déçu par l’automate de Nuremberg du même auteur. L’idée était géniale mais la réalisation bâclée. J’avais donc donné une deuxième chance à Thomas Day, peine perdue apparemment.
Dans l’instinct de l’équarisseur, le personnage principal est Conan Doyle. Oui, le plus que célèbre papa de Sherlock Holmes. Mais dans cette histoire, Sherlock Holmes existe vraiment. Dans un monde parallèle au nôtre ou Conan Doyle est embaucher pour relater les affaires du célèbre enquêteur.
Seulement l’univers de Sherlock Holmes est très différent du notre car une race extra-terrestre y a rapporté sa technologie avancée. Les Worshs sont des sortes de petits oursons en peluche à la fourrure orange comme nés du croisement incestueux entre Winnie et son compère Tigrou. Du coup, les inventions fantasques et délirantes du steampunk ont changé le monde. Londres s’appelle Londen et Sherlock y est un cocaïnomane névrosé et sadique qui défoule ses pulsions au travers de ses activités d’assassin mandaté par la reine. Son camarade Watson y est un savant fou, l’inventeur de la machine pour passer d’un monde à l’autre.
Bref résumé ainsi en quelque lignes, ça donne envie à tous les férus d’imaginaire tel que moi. C’est d’ailleurs pour ça que je l’ai acheté.

Au final le livre n’est pas franchement mauvais. Le sujet est traité correctement et l’impressionnante bibliographie documentaire amassée par l’auteur ne s’étale pas inutilement. Mais bon, c’est le genre de livre qu’on oublie. La preuve en est. Quelque chose d’insipide qui fait passer agréablement le temps sans toutefois mériter que l’on y attache trop d’importance.

lundi, mars 30, 2009

Tempête dans une consigne de gare


Les garçons naissent dans les choux et les filles dans les roses affirme l’idiome populaire, comme pour jeter un voile rassurant sur les douleurs de l’enfantement. Le premier livre, du sulfureux Murakami Ryû s’intitule Les bébés de la consigne automatique.

Ils ont ça de pratique au Japon, des consignes automatiques comme on peut en trouver dans les gares par chez nous. C’est bien utile pour laisser les affaires dont on ne souhaite pas s’encombrer. C’est ainsi que de jeunes mères désorientées par une responsabilité vagissante décident parfois d’abandonner leur progéniture dans le destin funeste d’un casier métallique.

Quelques uns s’évadent à force de pleurs et de cris, alertant un employé ou un client de passage. C’est ainsi que les deux protagonistes de l’histoire découvrent un monde hostile.

Le roman suivra leurs errances de l’orphelinat à leur famille d’accueil jusqu’à leur confrontation avec le réel qu’ils rejetteront avec violence. Je n’en dévoilerais pas sur le destin hors normes de ces enfants abandonnés dans une consigne automatique.

Le roman est riche, les nombreux portraits des personnages secondaires lui donnent une assise indéniable. L’action s’enlise parfois dans le glauque, le sexe, la violence ou le trash, sans pour autant attiser l’instinct reptilien et voyeuriste du lecteur. Et c’est dommage, car on observe la mort, la douleur et les drames sans jamais entrer dans le livre. En fait c’est principalement le style d’écriture qui m’a chagriné. Au mieux on pourrait le qualifier de fouillis. L’auteur s’amuse d’un paragraphe sur l’autre à changer de narrateur et de point de vue. Parfois il débute même la biographie d’un personnage secondaire. Et le fil conducteur est parfois si ténu qu’on ne le trouve pas.

En bref, c’était pour moi une découverte de la littérature contemporaine japonaise. Je ne regrette pas, mais ça ne m’a pas vraiment donné envie d’en connaître plus.


Pour ma deuxième critique, ce sera plus léger. La fontaine dont je ne devais plus boire de l’eau, m’est tombée sur le coin de la tronche. Je croyais avoir fait le tour de Terry Pratchett et de ses absurdes mais géniales annales du disque monde. Et par le hasard d’un géniteur qui me laisse à lire ses trouvailles, me voilà pendu aux pages du formidable conteur pour suivre les aventures du fabuleux Maurice et de ses rongeurs savants. Je me croyais immunisé à l’humour loufoque de l’Anglais, mais les ressortissants de la perfide Albion sont sournois. Flairant le fromage, j’ai commencé quelques pages et voilà que le piège s’abat sur moi. Je suis pris par le livre. Impossible de le refermer avant d’en terminer la lecture, quelle sensation délicieuse.

Il est toujours difficile de résumer ce genre d’ouvrage. Le lecteur se noie dans l’enchaînement effréné des situations, la maîtrise du langage et l’inventivité du conte. On sort de la lecture comme d’un long voyage en train, un peu groggy face au monde réel qui a continué de tourner sans nous.

Bien entendu c’est l’histoire de Maurice, qui est un chat fabuleux, pour la simple raison qu’il le dit lui-même. Alors Maurice n’est pas seulement fabuleux c’est aussi un escrocs. Rendu intelligent par les hasards des déchets hautement magiques de l’université du disque monde, il s’est allié à une bande de rats ayant subi le même sort. Le plan est simple, ils ont recruté un jeune musicien sur le bord d’une route et avec lui ils vont de village en village. Les rats envahissent les maisons et répandent la panique. L’arrivée du jeune joueur de flûte est alors providentielle, ce gamin capable de charmer les hordes de vermine et de les entraîner hors de la ville.

Jusqu’au jour ou la petite troupe arrive dans un village un peu spécial, ou des rats sont déjà installés. Des rats qui pillent les réserves de nourriture. Sauf qu’à première vue, aucune trace de ces rats. Maurice et ses camarades sont tombés sur un os. Alors entre la fille du potentat local qui essaie de transformer la réalité pour retrouver vivre des aventures dignes des contes de fées et les chasseurs de rats pas tibulaires mais en tout cas furieusement malveillants, un grand chaos s’installe.

Enfin bref, une chouette histoire à lire. Comme souvent avec Pratchett, la trame narrative devient plus laborieuse à partir du deuxième tiers du livre. Les délires mystiques s’immiscent dans le texte et l’effet de surprise du burlesque s’atténue. Pour ne pas dévoiler la fin, je dirais que ça se termine par un classique ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.


Quel bon vent amène donc ma dernière critique. Le vent doux qui caresse les blés, le vent âpre qui dessine les mers de dunes ou le vent furieux qui fait paître ses blancs moutons au sommet des vagues ? C’est plus probablement un vent poète et mystique qui a dicté à Alain Damasio sa horde du contrevent.

C’est une œuvre étrange et inclassable que les esprits simples des librairies de consommation ont classé avec la science fiction faute de mieux.

C’est sûr que dans les rayons poussiéreux de la philosophie, coincé entre Confucius et Descartes, je ne l’aurais pas découvert. Pour être tout à fait honnête, j’avais été interpellé par cet ouvrage en suivant le fil d’une discussion sur internet. Le roman présentait la singularité de commencer à numéroter les pages par la fin pour remonter peur à peu jusqu’à l’origine mystique de la première page.

Pendant près de 700 page, j’ai donc suivi le destin de la horde qui remontait face aux vents contraire. Imaginez ça un instant, une bande de terre d’à peine 5000 kilomètres de large engoncée entre des pôles glacés et inhabitables. A l’aval, la grande cité d’Aberlaas qui à chaque génération forme une poignée de héros. Cette fine équipe doit remonter les terres connues pour découvrir l’origine des vents terribles qui découlent de l’amont. Trente années durant, ils s’obstinent à pied à remonter le courant terrible et souvent mortel qui rase villes et villages. A leur tête le Golgoth, chargé de tracer le chemin, véritable force de la nature dont le courage n’égale que l’orgueil et la détermination. Suivent le traceur, scribe, troubadour, aéromètre, feuleuse et toute une équipe de personnages hors du commun. La 34ème horde découvrira-t-elle l’amont et ses secrets ? Vous le saurez en lisant le livre.

Je voudrais m’attarder un peu sur le style du livre souvent riche et coloré à l’indigestion. Les mots sont parfois vidés de leur sémantique pour que leur syntaxe rythme le texte. C’est parfois déroutant, souvent surprenant et toujours intriguant. Les pages alternent les points de vue des différents narrateurs, les membres de la horde qui ont chacun une personnalité unique et baroque. Quand à la finalité du roman, c’est clairement d’amener le lecteur à réfléchir, à s’élever par la pensée. Malheureusement, à mesure que le livre avance la mystique prend le pas sur la philosophie, à tel point que certains passages s’enfoncent dans l’ésotérisme au détriment du plaisir de la lecture. Comme je suis peu porté sur l’herméneutique, mon esprit d’un naturel paresseux a oblitéré de ma conscience les passages les plus obscurs, mettant hors de ma portée le Graal de la compréhension.

C’est la note de la faim intellectuelle qui conclura donc cette revue. Une frustration de ne pas avoir compris la vraie portée du texte.

lundi, février 16, 2009

Coming through the rye, poor songbird


L'oiseau s'est fait prudent, avant de se perdre dans les rayonnages des librairies industrielles, il s'est renseigné un peu pour ne pas attraper n'importe quel livre dans les immenses champs de seigle. Il était temps de revenir un peu au classique, mais quoi ?
Finalement, j'ai opté pour la révolte adolescente de l'Attrape-Coeur de J.D Salinger. Un classique des années 50 qui garde encore sa jeunesse malgré le changement de siècle. Le môme Caufield n'a pas pris une ride avec sa colère légitime de l'enfant qui découvre l'horreur du monde des adultes auquel il appartient désormais.
On suit donc la fugue d'un gamin renvoyé de son lycée quelques jours avant noël, ses errances intimes et anonymes dans la ville géante de NewYork. De la séparation du monde du lycée et de ses camarades de chambrée pour un voyage au bout de la nuit. Du séjour bref dans un hôtel sulfureux aux romances improbables en passant par des rencontres inespérées. Derrière la révolte et la morgue, le gamin qui n'aime rien ni personne est finalement fragile et touchant. La mémoire de son petit frère idéalisé mort quelques années plus tôt d'une leucémie le hante et son attachement passionnel avec sa petite soeur le sauvera de la déchéance.
Le style précipite le lecteur dans l'action, le narrateur s'adresse à lui à la première personne pour lui raconter ses étranges journées. Le texte est ponctué d'expressions telles que "ouah"ou "ça me tue" qui agaces à force de répétitions. On sent bien que la pensée du jeune homme n'est pas toujours structurée, il lui arrive de s'égarer et de faire n'importe quoi. Point d'intrigue ou même d'histoire, le roman n'est qu'une succession d'évènements pas forcément ordinaires mais qui s'enfoncent dans la banalité du plausible.
Malgré le style parfois insupportable du gamin qui part dans toutes les directions, malgré l'absence de fil conducteur, on se surprend à se laisser envouter par la magie du texte. Comme Holden Caufield ou voudrait découvrir ou s'envolent les canards de Central Park lorsque le lac gèle en hiver, comme lui on désire tout arrêter et s'enfuir de cette réalité si morne et si triste. Et si plus rien n'a d'importance pourquoi ne pas s'enfuir de l'autre côté de la terre pour vivre dans une maison dans les bois.
Une histoire intemporelle de la perte des illusions de l'enfance, la destruction du bouclier de l'innocence. En bref, j'ai bien aimé. C'est rassurant car cela signifie que ma part d'enfance n'est pas définitivement morte. L'adolescent en moi continue de regarder le monde d'un oeil septique et désabusé.

jeudi, janvier 29, 2009

Des zoulous dans la campagne anglaise et des elfes bleus au milieu du mythe Arthurien...

L'année 2009 débute sous l'épée du grand Damoclès financier. A en croire les prophètes de l'apocalypse notre société s'effondre. Ce n'est pas forcément un mal si un nouveau monde plus juste peu en renaitre. Qu'importe, ce n'est pas très réjouissant alors pour se distraire un peu les neurones, je suis retourné à une littérature plus légère. Une vraie vague rafraichissante après Francis Scott Fitzegerald et Truman Capote. Au programme du mois de janvier, une uchronie dans l'Angleterre victorienne et le mariage du mythe Arthurien avec la fantaisie de Tolkien. Malheureusement, deux déceptions.

Le premier livre qui m'aura accompagné, c'était Zoulou Kingdom de Christophe Lambert. Non, il ne s'agit pas de l'acteur passablement médiocre mais d'un auteur de science fiction pour la jeunesse. Il s'essaye ici à la littérature pour adultes avec l'histoire extravagante d'une tribu de Zoulous venus envahir l'Angleterre victorienne. Il en profite pour faire intervenir en guest stars les célébrités de cette époque formidable, on y trouve bien sûr la reine Victoria, mais aussi Karl Marx, Elephant Man, le jeune H.G Wells et beaucoup d'autres.
Si l'idée était brillante, malheureusement la réalisation ne suit pas. A vrai dire elle traine un peu derrière, elle a comme loupé le train.
Déjà le style m'a rapidement énervé. Visiblement l'écrivain garde des séquelle de ses travaux à destination de la jeunesse. Peut-être aussi qu'il profite sadiquement de se venger de son impressionnant travail documentaire. Tout est qu'il se croit obligé de distiller son savoir sur l'Angleterre victorienne et la révolution industrielle au fil des pages. Il ne le fait pas de manière subtile discrète et pédagogue, au contraire il chausse ses gros sabots du genre "Il faut savoir qu'à cette époque, les gens étaient très pauvres. Très malheureux, ils n'avaient même pas la télévision.".
Sur le fond et la construction même de son livre, le romancier tisse des fils un peu trop gros et paradoxalement usés jusqu'à la corde, le résultat est une tapisserie médiocre et dépourvue d'intérêt. Le plus flagrant concerne l'intégration des personnages connus. Souvent ils apparaissent grâce à des prétextes malheureux et grossiers. Une recette pour faire intervenir Karl Marx, donner l'ambition de syndicaliste à un personnage, qui ne servira qu'à cela. En ce qui concerne le destin des protagonistes anonymes et principaux, il est souvent dénué d'originalité comme cette fille de bonne famille qui se fait engrosser par un docker, ce policier taciturne et désabusé, cet archétype d'aventurier revenu de l'Afrique.
Il est encore plus triste de constater que les personnages les plus originaux ne sont pas du tout exploités. Comme cette reine Zouloue qui aura lié une relation étrange avec l'aventurier évoqué au dessus. On ne saura jamais quel était le lien qui les unissait et elle finira par mourir assez bêtement. Dès que l'auteur trouve un thème porteur, il s'en détourne pour revenir à son sport favori, décrire l'invasion d'une bande de sauvages au milieu de la civilisation. Même le fondement de l'intrique, à savoir comment les Zoulous ont pu se retrouver au milieu de l'Angleterre grâce à l'intervention de Jack l'éventreur paraît pitoyable. On est pressés d'être libéré par la dernière page. Mais la fin aussi est ratée. Un deux ex machina grossier qui libère la ville juste avant qu'elle ne s'effondre. Je ne parlerais même pas des multiples incohérences qui parsèment le récit.
Le livre n'est pas si mauvais, le style est rapide et fluide, quoique irrégulier. De plus, c'est rare mais les notes de l'auteur figurent dans le livre, il détaille ses inspirations et sa bibliographie. De fait c'est probablement le chapitre le plus intéressant. Je garde une certaine rancune envers Christophe Lambert pour avoir ainsi gâché le filon. Au lieu d'un petit livre bâclé de 300 pages il aurait pu débuter une saga fabuleuse.

Deuxième livre, on change d'époque. Déjà ce n'est pas un livre mais trois, une trilogie ré-éditée en poche. Ca ressemble à une affaire mais ce n'est qu'un piège, je gage que si j'avais acheté le premier volume je n'aurais pas continué. Pourtant c'était alléchant, plus de milles pages pour se replonger dans les légendes de la Bretagne des temps anciens, les aventures d'Uter Pendragon le papa du roi Arthur, l'épée Excalibur, l'ile d'Avalon. Une revisite du mythe Arthurien avec des elfes, des nains et des monstres dans la plus pure tradition médiévale fantastique. Décidément, avec sa Trilogie des Elfes, Fetijaine avait bien placé son appât, je me suis fait avoir.
Sur les terres de Bretagne, dix ans après les guerres terribles contres les armées des monstres, les races libres des elfes, des nains et des hommes maintiennent la paix par dans une alliance fragile. Mais un jour, un vieux seigneur nain convoque le grand conseil, un elfe s'est introduit dans le grand royaume de la montagne noire pour voler et assassiner le roi.
Au final, je n'ai pas grand chose à dire sur ce livre. Ce n'était pas suffisamment mauvais pour en devenir remarquable. Ce n'était pas suffisamment mal écrit pour que j'abandonne la lecture. C'est juste un gros pavé que l'on est pressé de finir.
Peut être parce que le mécanisme d'identification ne marche pas très bien. Les personnages vivent et meurent tranquillement sur leurs pages de papier sans parvenir à émouvoir le lecteur. Les temps sont rudes, la mort est fréquente alors rapidement on arrive à une conclusion désabusée, un de plus, un de moins, quelle importance. Les temps sont rudes toujours et puis les trois principales races de ce monde, les humains, les hommes et les elfes se haïssent et ne maintiennent qu'une paix fragile qui volera en éclat dans la première partie. Alors forcément, si les personnages se haïssent, ils ne se parlent pas beaucoup, on a du mal à se faire une place dans leur groupe tant il apparaît comme malsain. C'est d'autant plus bizarre que dans l'histoire, on se trouve souvent confronté à des bandes de héros qui partent à l'aventure. On était habitué à de la coopération et de l'entraide dans les récits fantastiques, là pas du tout, ils s'espionnent sans cesse et n'attendent que l'occasion de se sauter à la gorge.
Se sauter à la gorge, ils le font très souvent d'ailleurs avec la plupart du temps des conséquences funestes. Machin m'a manqué de respect ? Alors je le tue. Machin a révélé que ce n'était pas un page mais le prince de sa nation, alors j'essaie de le tuer, machin veux pas me rendre mon épée magique alors j'essaie de le tuer. Ils étaient sacrément susceptibles à cette époque là. De fait le ressort dramatique principal du roman est amené par des brouilles ridicules entre les personnages. Ça fait léger quand on veux peindre une fresque épique. Et même à la fin lorsque le grand méchant, chef de tous les monstres arrive pour anéantir tout le royaume on est confronté à ces comportement puériles et pitoyables.
Enfin bref cette histoire d'elfes bleus ne m'aurait pas vraiment fait vibrer.