dimanche, septembre 14, 2008

Des villes et des livres

Me voilà encore dans un train. Non pas le transport habituel vers les affres de la vie active. Pire, le train dans lequel j'écris ces lignes me ramène à trop grande vitesse chez moi après trois semaines de congés. C'est la fin des vacances et la grisaille météorologique s'accorde à mon caractère du moment.
Difficile de ne pas avoir le spleen après un congé de trois semaines et une virée dans les grandes villes du nord est américain. Montréal que je connaissais déjà un peu, Boston, New York et Washington. Entre chacune des villes, des heures de transport, et pour cause nous nous déplacions en bus. Pour moi le transport est synonyme de lecture mais avant de partir le problème récurent revenait à la charge, que choisir ?
J'ai donc tenté une nouvelle approche, la lecture touristique. Première étape, trouver des livres dont l'action se déroulait dans les villes visitées. Deuxième étape, les lire avant d'arriver pour créer un air de déjà vu teinté de nostalgie.
Au final ça n'a pas trop marché pour le côté tourisme. Par contre en sortant de mes habitudes littéraires, j'ai découvert de vraies perles.

Première étape de notre périple, Boston, ville chargée d'histoire, berceau des états unis. Premier livre, Un dernier verre avant la guerre de Denis Lehane.
J'aurais du me méfier, le quidam a vu trois de ses ouvrages adaptés au cinéma. Bien sûr Mystic River par le génial Clint Eastwood, mais aussi Gone Baby gone et bientôt Shutter Island. J'aurais du me méfier de ce nom que je ne connaissais pas, je me suis fait avoir.
Littéralement bluffé par ce livre, me voilà contraint d'ajouter un nouveau romancier à mon panthéon des écrivains préférés. Un véritable modèle pour quiconque veux écrire.
Ses personnages sont torturés, souvent marqués à vie par une enfance difficile. Mais ils restent toujours crédibles sans sombrer dans la caricature. Chez Denis Lehane, il n'y a pas de bons ou de méchants, juste une infinie palette de clair-obscur. Je ne rendrais pas hommage à ce superbe livre en le résumant maladroitement à une simple guerre des gangs. Il y a tellement plus, des pistes de réflexions sur le racisme ordinaire et sur la violence, sur la drogue et la pauvreté, sur l'atrocité des sévices sexuels sur mineurs, sur l'inégalité des chances au pays du rêve américain...
Le livre débute par une enquête de routine confiée à un couple de détectives privés, à savoir retrouver la trace d'une femme de ménage noire, disparue en emportant des documents confidentiels. Très rapidement l'affaire tourne au drame social et va déchirer la ville de Boston. L'histoire est ambitieuse mais remarquablement bien servie. L'écriture est admirable, à la fois drôle et caustique, elle devient par moment sombre et dramatique tout en gardant une redoutable efficacité pour décrire les scènes d'action et les combats.
J'ai véritablement passé un bon moment à lire ce livre et c'est de la très bonne came. Pour preuve, je suis déjà en manque.
Enfin bref, avant d'arriver à Boston j'avais déjà fantasmé sur la ville et arpenté son bitume en compagnie des deux enquêteurs.

Deuxième ville visitée, New York. Je n'avais que l'embarras du choix pour la lecture. Je me suis arrêté sur le fameux bûcher des vanités de Tom Wolfe. Comme je ne l'ai toujours pas terminé ma critique viendra plus tard.

Troisième ville, Washington, la capitale des états unis. Troisième livre, Drama City de George Pelecanos. Le romancier s'est spécialisé dans la ville de Washington et y base tous ses livres. Alors que dans la plupart de la littérature Washington est le symbole du pouvoir, des manipulations de masses et des diverses théories du complots, George Pelecanos choisi d'aborder la ville sous l'angle du polar noir dans les bas quartiers.
Malheureusement, le roman ne va pas beaucoup plus loin qu'un simple polar, en fait à bien y réfléchir ce n'est même pas un polar. Il s'agit plutôt d'une tranche de vie de personnages dans les bas quartiers de Washington. Le personnage principal est attachant, c'est un ancien taulard qui tente de retrouver sa place dans la société avec un boulot dans une société protectrice des animaux. On le voit qui essaie de ne pas retomber dans la spirale de la drogue et de la violence. Ca se laisse lire, les personnages sont bien campé et réaliste, mais c'est loin d'être exceptionnel. L'écriture est quelconque. Un roman de gare, vite lu et encore plus vite oublié.




Je termine cette petite revue avec Cellulaire de Stephen King. Après avoir dévoré Ecriture, il me tardait de retrouver ce maître de la littérature populaire américaine. J'avais saisi le prétexte d'une intrigue se déroulant à Boston pour m'acheter le livre. Quelle déception ! Le roman est relativement épais avec près de six cent pages mais l'intrigue reste pitoyablement mince.
Les premières pages sont racoleuses et dramatiques avec la description de la fin du monde, rien de moins. Par une après midi ensoleillée, tous les téléphones portables du monde se mettent à carillonner à l'unisson. Malheur à celles et ceux qui décrochent, ils deviennent immédiatement fous furieux. Quelquefois suicidaires, la plupart du temps meurtriers mais toujours violents. Toute trace de civilisation dans le cerveau balayée par une rage primaire et une brutalité sanguinaire. Nous suivons alors les aventures d'un petit groupe de rescapés qui tentent de survivre dans la catastrophe. Peu à peu une conscience collective émerge des masses décérebrées et une nouvelle civilisation émerge. Un semblant d'organisation apparaît ainsi que des pouvoirs télépathiques grandissants chez les post-humains. Ces "siphonés" entament alors une guerre totale contre le restant de l'humanité.
Présenté comme cela, l'histoire est alléchante, le livre l'est malheureusement beaucoup moins.
Dans la forme déjà c'est catastrophique. C'est atrocement mal écrit ou bien mal traduit, probablement un peu des deux. Le style est pauvre et sans imagination. Seul avantage, ça se lit vite. Stephen King s'improvise pasteur de l'easy-reading en quelque sorte.
Passons au fond maintenant, ce n'est pas mieux. On sent rapidement que l'histoire ne suit pas un scénario réfléchi et que l'intrigue se forge au hasard des rencontres du petit groupe de survivants. Quand à la fin, elle est grand-guignolesque. Que le lecteur potentiel se rassure, l'humanité est sauvée in extremis.
Comme souvent avec Stephen King, la cause du glissement vers l'horreur n'est jamais expliquée, on se contente des hypothèses des protagonistes. Attentat terroriste ? Expérience qui a mal tournée ? Événement surnaturel ? On n'en saura pas plus et c'est diablement frustrant.
Enfin pas si frustrant que cela lorsque l'on suit les théories informatiques du romancier et son analogie avec la psyché humaine. Les explications sont au mieux erronées et les tentatives de vulgarisation par la bouche d'un gamin de huit ans font au choix sourire ou se lamenter l'homme de science.
Enfin bref, un roman à éviter. Je me demande si c'est une exception ou bien si tous les livres du quidam étaient déjà aussi mauvais lorsque je les dévorais à l'adolescence.